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La malédiction finale

jeudi, mai 16th, 2013

La-Malediction-finaleCet enfer là est bien tiède…

J’ai trop écrit, à propos des deux premiers épisodes, que le volet terminal était d’une médiocrité sans nom pour ne pas, après l’avoir revu, mettre un peu d’eau dans mon vin, ou plutôt, eu égard au sujet, un peu de ciguë dans mon fiel (ou réciproquement ; on me comprendra). En fait c’est médiocre, mais ce n’est pas atterrant.

Si, comme le prescrivait Alfred Hitchcockmeilleur est le méchant, meilleur est le film, on saisira d’emblée la faille de La malédiction finale ; le premier opus présentait une nébuleuse d’adorateurs de Satan monstrueux et crédibles ; la qualité et la performance du deuxième tenait à ce que le Mal s’incarnait dans un jeune garçon encore ductile, graduellement saisi par sa mission infernale : qu’un presque enfant fût un personnage terrifiant lui donnait des allures impressionnantes. (suite…)

Divine

samedi, mai 11th, 2013

divineL’empreinte d’Ophuls.

Je ne conseille à personne d’acquérir le DVD de Divine qui souffre d’une double imposture.

La première est l’édition par le margoulin René Château, qui est au dessous de tout, une des pires qui se puisse, encore inférieure à celle de Un revenant (l’admirable film de Christian-Jaque) qui était pourtant épouvantable. Je sais bien que Divine date de 1935 et qu’il ne faut pas être trop exigeant ; mais je m’insurge contre les indications qui figurent sur le boîtier : Image et son restaurés, avec l’hypocrite bandeau oblique : quelques imperfections dues à l’épreuve du temps. Tu parles ! C’est à un point tel que le son est parfois difficilement audible et que l’intrigue devient incompréhensible sur le moment ; je me suis repassé quatre fois certaines séquences, et rien n’y a fait (je sais bien que je suis un poussah égrotant, à la limite du gâtisme, mais à la limite seulement…). Se peut-il que la version passée récemment au Cinéma de minuit soit de meilleure qualité ? (suite…)

Les demoiselles de Rochefort

jeudi, mai 9th, 2013

Le plus gracieux film du monde.

Un moment de grâce pure, de légèreté, d’allégresse, où tout, absolument tout, concorde pour mettre le spectateur à l’unisson du miracle : la sublime musique de Michel Legrand – présente dans toutes les mémoires et dans l’inconscient collectif quarante-six ans après sa composition, la photogénie de Rochefort, le talent de tous les interprètes, de l’inquiétant Subtil Dutrouz (Henri Crémieux) à l’éternelle beauté d’Yvonne (Danielle Darrieux), la grâce magique des sœurs jumelles (on dirait que l’habituelle réserve de Catherine Deneuve s’écarte là un peu grâce à la vivacité de Françoise Dorléac). (suite…)

Èl (Tourments)

jeudi, mai 9th, 2013

Au Mexique, sans jalousie, l’amour est sans moustaches.

Il me semble que Luis Buñuel est un peu au purgatoire, en ce moment, alors qu’il a traversé le siècle passé avec beaucoup de fulgurance et qu’il a connu dans sa carrière au moins trois manières, toutes également étonnantes et intéressantes. Le surréaliste violent des débuts a peut-être un peu trop envahi l’espace de la mémoire et entretient des gloses vivaces grâce au Chien andalou et à L’âge d’or. Et le succès tout de même assez consensuel – quoique mérité – des collaborations ultimes avec Jean-Claude Carrière (Le journal d’une femme de chambre, Belle de jour… jusqu’à Cet obscur objet du désir) a, me semble-t-il, un peu occulté toute la période mexicaine, pourtant d’une très grande originalité. (suite…)

Paris chante toujours

lundi, mai 6th, 2013

Quel délicieux nanard !

Pour l’amateur d’ethnographie de ce que fut le cinéma populaire et bon enfant, Paris chante toujours est un petit trésor, ou plutôt une mine d’enseignement de ce que pouvait être notre pays au tout début des années Cinquante. C’est en ceci, également, et sans mépris aucun, que le cinéma fut l‘art populaire du 20ème siècle, parce qu’il a été partagé par tous, aimé par tous, à des degrés, à des niveaux divers, au contraire de ce que devenaient la musique ou la peinture, qui s’enfermaient dans l’élitisme. (suite…)

Rio Bravo

vendredi, mai 3rd, 2013

rio-bravo-film-3140Théâtre filmé.

Premières images : un défilé où passe, conduite à bride abattue, une diligence ; puis un saloon au confort sommaire ; puis un shérif à l’étoile astiquée ; puis une bagarre : on se dit qu’on est bien dans un western, et que tous les ingrédients du genre, un genre intellectuellement limité mais doté d’appâts solides, sont là.

Deux heures et davantage plus tard, on attend toujours qu’un des charmes principaux dudit genre, c’est-à-dire les fameux grands espaces de l’Ouest étasunien daignent arriver à l’écran. Et lorsque le mot Fin apparaît à l’écran, on n’a toujours pas vu le désert, la prairie, les canyons et tout le toutim. On n’a pas vu un Peau-Rouge non plus, d’ailleurs. On se sent floué. Parce que lorsqu’on regarde un western on s’attend toujours un peu à un documentaire touristique, à un de ces films de Connaissance du monde, régulièrement présenté, il y a quelques décennies, à l’émerveillement des badauds. (suite…)

Still life

jeudi, mai 2nd, 2013

Drôle d’endroit pour ne pas se rencontrer.

J’ai toujours peine à croire que la Chine n’est plus le pays du Lotus bleu, des mandarins, des coolies et des pousse-pousse, pour qui, dans mon enfance, on récoltait les papiers d’argent qui entouraient le chocolat afin de venir en aide à ses nombreux enfants. Je sais bien – les actualités me le répètent à tout moment – que c’est aujourd’hui la deuxième Puissance du monde et elle nous envahit de cent produits qui ne sont pas toujours de qualité. Je me rappelle aussi les Cent fleurs, le Grand bond en avant, les gardes rouges, l’adulation femelle des gauchistes européens pour Mao Tse-tung et la Révolution culturelle. (suite…)

Marie-Jo et ses deux amours

jeudi, mai 2nd, 2013

afficheLe petit désastre illustré.

Quand je parle de petit désastre illustré en évoquant Marie-Jo et ses deux amours, ça ne s’adresse pas à la maîtrise du récit, ni à la façon de filmer, ni à la régulière beauté photogénique de Marseille, ni au jeu des acteurs. Mais bien à la trame du film, à la triste décomposition d’un équilibre impossible, à la tragédie inéluctable de la situation.

À force de faire tourner ensemble Ariane AscarideJean-Pierre Darroussin et Gérard Meylan, il ne pouvait qu’être évident à Robert Guédiguian d’élaborer une histoire où Marie-Jo, femme aimante de Daniel-Darroussin serait en même temps éperdument amoureuse de Marco-Meylan. À une autre époque, à un moment différent de son parcours intellectuel et artistique, il aurait été possible de réaliser une joyeuse utopie partageuse, presque bon enfant où les deux hommes se seraient entendus comme larrons en foire et auraient partagé leur amoureuse. Mais cela, c’était avant, au moment des espérances et des rêveries révolutionnaires… (suite…)

Le bon, la brute et le truand

mercredi, avril 24th, 2013

Picaresque, fou…

Est-ce qu’il n’est pas un peu dommage de découvrir, comme je l’ai fait, la Trilogie du dollar après l’admirable Il était une fois dans l’Ouest, aboutissement et ultime étape d’un genre essentiel au cinéma ? Sans doute aurais-je préféré faire connaissance des innovations formidables que Sergio Leone a apportées en commençant par le début. Je n’ai jamais vu Pour une poignée de dollars ; j’ai apprécié sans enthousiasme Et pour quelques dollars de plus ; me restait à revoir Le bon, la brute et le truand, qui m’a semblé nettement supérieur au film qui l’a précédé, sans pour autant atteindre les sommets. (suite…)

Les sentiers de la gloire

samedi, avril 20th, 2013

Culottes de peau et claquements de talons.

Si le talent à en décrire l’absurdité pouvait supprimer la guerre, il y a longtemps que ce serait chose faite. Et que Les sentiers de la gloire y auraient joué leur éminente partie. Mais enfin, depuis que le monde est monde, la paix radicale, universelle et partagée ne progresse pas beaucoup, la guerre changeant simplement de nature et d’orientation en fonction de la période vécue ; c’est ainsi que l’anéantissement des populations civiles, qu’on croyait réservé aux âges barbares, s’est beaucoup amélioré durant les cent dernières années et que les noms de Coventry, Dresde, Hiroshima, Nagasaki régentent nos mémoires et que nous devons nous habituer à des événements aussi incongrus que la disparition du World Trade center. (suite…)