Author Archive

Les deux Anglaises et le Continent

vendredi, avril 16th, 2021

Les égarements du cœur et de l’esprit.

Un film plein de grâce, intelligent, subtil, qu’on peut sans doute juger un peu lent, un peu précieux, un peu trop voué aux états d’âme de jeunes gens (et de familles) d’une bonne bourgeoisie attentive aux apparences, cultivée, guère fortunée. Mais qui tient son rang et a pour elle raffinement, courtoisie, respect des codes et des bienséances. Mais enfin, cette bourgeoisie-là, qu’elle fût un peu plus ou un peu moins aisée, c’était tout de même la trame de la belle Europe, celle d’avant la Grande guerre, celle qui s’est entretuée dans une sorte de suicide collectif qui l’a laissé blessée à mort, réticente à tout, sauf aux folies des sorciers Hitler et Staline.

(suite…)

Voyez comme on danse

lundi, avril 12th, 2021

On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.

Si je titre mon avis d’un propos fameux de notre vieux camarade Héraclite, le philosophe présocratique bien connu, c’est parce que je pense que l’excellent Michel Blanc n’a vraiment pas eu une bonne idée. Et que, dès sa conception, on pouvait craindre que la suite qu’il donnait à son assez réussi Embrassez qui vous voudrez était vouée à l’échec. À tout le moins au patinage en toupie. Le premier film a été tourné en 2002 et la suite, donc, Voyez comme on danse en 2018, seize années plus tard ; sinon une génération, du moins tout un monde, une atmosphère et des gens qui ont passablement vieilli, forcément.

(suite…)

Comment voler un million de dollars

samedi, avril 10th, 2021

Sans rythme, ni queue, ni tête, ni quoi que ce soit.

En regardant l’affiche de Comment voler un million de dollars on se dit qu’on va assister à un de ces films où, jadis, Hollywood rendait hommage à Paris et, un peu complexée par son inurbanité, lui reconnaissait le statut de capitale du monde civilisé et de centre absolu de la gaieté, de la légèreté, de la sociabilité et de bien d’autres vertus ensorcelantes. Tourné par l’honnête artisan William Wyler, tout à fait capable de mettre en scène avec talent les gracieuses et un peu tristes Vacances romaines en 1953, le solide, massif, intelligent western Les Grands espaces en 1958 et la lourde brillante machine Ben-Hur en 1960, il était, en 1966, tout à fait en fin de carrière mais on lui pouvait supposer, précisément, de la patte et un savoir-faire renforcé. (suite…)

Un jour sans fin

jeudi, avril 1st, 2021

Voyage au bout de la nuit.

Rarement titre a aussi bien décrit l’histoire qu’il retranscrit : dans Un jour sans fin, Phil Connors (Bill Murray), un assez désagréable et plutôt minable présentateur météorologique d’une chaîne de télévision de second rang, devient captif d’une boucle temporelle et se voit condamné à revivre éternellement la même journée. Le 2 février, dans la bourgade péquenaude de Punxsutawney (Pennsylvanie) il couvre le jour de la marmotte, événement traditionnel censé annoncer – ou non – la survenue d’un printemps précoce. Notables rubiconds, population en fête, réjouissances populaires, tout cela est aussi bon enfant que particulièrement accablant, d’autant que la bourgade paraît receler habituellement une dose d’ennui très au dessus de la moyenne. (suite…)

Dragon rouge

jeudi, mars 25th, 2021

Et petite souris…

Le personnage du monstrueux et séduisant Hannibal Lecter qu’incarne avec plus que du talent Anthony Hopkins a tant et tant captivé les spectateurs qu’après la réussite totale du Silence des agneaux, les roublards producteurs ont exploré jusqu’au bout les fascinations ressenties. Somme toute, avant qu’il ensorcelle et séduise Clarice Starling (Jodie Foster), notre ami Lecter a vécu et a sévi : tout au moins est-ce ce qu’on peut supposer et ce qui fera la structure providentielle et rémunératrice d’une sorte de saga qu’il faudrait placer dans l’ordre chronologique précis : Hannibal Lecter : Les Origines du mal, nigaude justification de la malfaisance intrinsèque du cannibale (parce qu’il a eu bien des malheurs et a donc quelques raisons d’être tel qu’il est) ; puis Dragon rouge, puis Le silence des agneaux et enfin Hannibal… qui ne conclut pas vraiment le parcours. Avec l’horreur, il y a toujours une façon d’aller plus loin.

(suite…)

Shock corridor

mardi, mars 23rd, 2021

La folie est-elle un Droit de l’Homme ?

Presque cinquante ans que j’avais entendu parler de ce film, tenu alors par les augures des Cahiers du cinéma et autres donneurs de leçons (ce qu’on n’appelait pas encore le Camp du Bien) comme une œuvre majeure dans sa description de la violence clinique et de la facilité stupéfiante avec laquelle un être apparemment normal peut se laisser glisser dans les ombres froides de la folie. Les désordres mentaux ont de tout temps fasciné les foules puisqu’ils touchent des individus qui, en apparence, n’ont aucune différence avec quiconque. Ce qui d’ailleurs démontre forcément qu’il est bien difficile de montrer la folie à l’écran, hors ses manifestations les plus spectaculaires et agressives. Qui ne sont pas forcément les plus perturbantes. (suite…)

Houdini, le grand magicien

jeudi, mars 18th, 2021

Le môme caoutchouc.

Quand on me conduisait au cirque, lorsque j’étais enfant, il était bien rare que je ne sois pas déçu. Les ennuyeuses cavalcades des chevaux et de leurs écuyers, les trapézistes qui ne chutaient jamais (ce qui aurait mis un élément de surprise agréable), les dompteurs et belluaires qui n’étaient jamais dévorés par les fauves (même remarque), tout cela me semblait faux, artificiel, ennuyeux. Et aussi les pantalonnades dégradantes des clowns ; il n’est d’ailleurs pas impossible que mon aversion pour le cinéma comique muet de Charlot, de Mack Sennett, d’Harold Lloyd, aversion qui s’est reportée sur leurs épigones, Jacques TatiPierre ÉtaixRowan Atkinson (Mr. Bean), soit venue de là. Mais au cirque il y avait pourtant des gens qui avaient un talent que je jugeais admirable et me fascinaient : les prestidigitateurs, que nous préférions d’ailleurs appeler magiciens (ce qui était bien plus grisant dans notre imaginaire).

(suite…)

The Shangaï Gesture

mercredi, mars 17th, 2021

Le Lotus bleu pour grandes personnes.

On ne peut évidemment pas dénier à Josef von Sternberg le grand talent de faire percevoir – malgré des moyens financiers très modestes – le charme vénéneux et pourrissant de cette Chine d’avant le communisme maoïste. Un pays démembré avec gourmandise par les puissances occidentales qui avaient établi des comptoirs pour commercer avec un peuple industrieux et structurellement soumis, assez pratique à exploiter. Ces concessions, comme on les appelait, sont d’ailleurs à l’origine de la prospérité économique de la conurbation shanghaïenne dont l’expansion a tiré vers le haut toute la Chine. Ne nous plaignons pas de la concurrence et de l’étranglement de nos propres industries : le capitalisme international l’a voulu. (suite…)

L’ange exterminateur

lundi, mars 15th, 2021

N’a rien exterminé du tout.

Mes relations avec le cinéma de Luis Bunuel ont toujours été très perplexes et inquiètes. Beaucoup de films magnifiques, intenses, cruels, mais souvent aussi des esbroufes aussi médiocres qu’inutiles. Cinéaste cosmopolite, violent, souvent agressif dont les films aujourd’hui les plus notoires sont français (Le journal d’une femme de chambreBelle de jour), mais dont le talent a peut-être été encore plus mis en valeur par l’étrange Mexique, où il a tourné pendant quinze ans des œuvres souvent âpres et sarcastiques aussi souvent, des œuvres qui mêlent facilement le rire méchant, le ridicule compassé et l’outrance glaçante.

(suite…)

Les amants de demain

jeudi, mars 11th, 2021

Mélo populo.

Les jugements très réservés que j’ai lus sur Les amants de demain m’intriguaient un peu avant que je regarde le film. Sans doute le talent de son réalisateur Marcel Blistène ne brille-t-il pas au firmament du cinéma mondial et son nom est-il aujourd’hui complétement oublié, mais enfin les deux films que j’ai vus de lui ne m’ont pas donné mauvaise impression ; d’abord Étoile sans lumière de 1946 (déjà avec la regrettable Édith Piaf) puis, un peu mieux encore, Gueule d’ange de 1955 avec Maurice Ronet et – surtout ! – Viviane Romance. Deux films qui ont le bon goût de se terminer mal et de mettre dans l’eau froide une goutte d’acide. (suite…)