Et voilà, pêché tout à fait par hasard et signé par un parfait inconnu, Grisha Dabat, qui n’a d’ailleurs jamais rien tourné d’autre, un film qui n’est pas déplaisant. Et qui pourtant paraît un peu copier d’une certaine manière une veine – assez française au demeurant – d’indolences estivales, d’ennui au soleil, de marivaudages cruels, de dérives des couples, de parasitismes inquiets. On sent que l’esprit des premiers romans de Françoise Sagan est passé par là (à moins qu’on puisse dire, ce qui n’est sûrement pas faux, que Sagan ne faisait que retranscrire, avec un talent fou, ce qui était dans l’air du temps). Un temps qui s’achèvera peut-être avec La collectionneuse d’Éric Rohmer en 1967. Mais deux ans avant Et Satan conduit le bal, le fondateur (un des fondateurs) des Cahiers du cinéma, Jacques Doniol-Valcroze réalisait le conte assez cruel L’eau à la bouche.
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Et Satan conduit le bal
mardi, novembre 10th, 2020Les atouts de Monsieur Wens
lundi, novembre 9th, 2020Le nom de Stanislas-André Steeman devrait être révéré beaucoup plus qu’il ne l’est par les amateurs de cinéma, parce que, derrière le génial et inatteignable Georges Simenon, il a été un des plus excellents pourvoyeurs d’histoires à tonalité policière qui se puisse. Et donc que beaucoup d’adaptateurs, de scénaristes, de metteurs en scène se sont jetés sur ses romans nourris d’histoires policières ingénieuses et intelligentes. Mais comme toujours dans le genre, au cinéma, c’est bien moins la qualité du récit ou son originalité qui fait pièce que la patte du réalisateur qui rend – ou non – l’histoire passionnante et le film de haut niveau. (suite…)
Blow-up
dimanche, novembre 8th, 2020Lorsque j’ai vu le film, sorti en 1967 en France, je me suis conforté dans l’idée que cet Antonioni hissé sur tous les pavois de la critique intelligente et qu’on était sommé d’admirer sauf à passer pour un plouc bas de plafond, n’était décidément pas fait pour mes yeux, moins encore pour mon cerveau. Mais, bonne pâte comme on peut l’être à 20 ans, j’avais donné au réalisateur une nouvelle chance de m’intéresser après qu’il m’avait copieusement enquiquiné avec ses opus précédents (L’Avventura, La nuit, L’éclipse). Souhaitant traiter de l’ennui, il n’instillait pas seulement sur l’écran cet affreux sentiment (La charge la plus lourde de la Condition humaine selon Giono), mais le faisait régner résolument parmi les spectateurs (dont la plupart trouvait ça très bien ; nous étions une génération de gogos ; d’ailleurs nous avons fait Mai 68, c’est dire !). (suite…)
Une fille pour le diable
vendredi, novembre 6th, 2020Bien que le film ait été vilipendé à peu près partout et que, paraît-il, Richard Widmark ait beaucoup regretté de s’y être engagé, j’avais tout de même gardé le souvenir intense d’une séquence glaçante et, pour quelques euros j’ai acquis cette Fille pour le diable qui, à la revoyure d’aujourd’hui m’a paru bien plus satisfaisante que ce que l’on en dit et ce qu’elle demeurait dans mon souvenir. Évidemment on ne peut pas mettre sur le même plan les monstruosités satanistes de Une fille pour le diable et celles – qui sont à peu près de la même nature – de la série (des deux premiers films en tout cas) La malédiction qui met identiquement en scène les sectateurs du Prince des ténèbres en les confrontant avec notre réalité souvent matérialiste. Le film de Peter Sykes est un engin de série, qui ne manque pas d’intérêt mais dont les limites sont celles assez bornées, du cinéma de genre, alors que La malédiction vise à un autre niveau. (suite…)
Monseigneur
jeudi, novembre 5th, 2020Il y avait bien longtemps que je n’avais pris autant de plaisir devant un de ces nanards français, un de ces petits films bien de chez nous qui étaient à l’affiche des petites salles de quartier et qui réunissaient, les samedis soirs, un public populaire qui ne demandait qu’à se détendre. Tout cela avant de rentrer dans son cinquième étage sans ascenseur ni commodités, les toilettes étant, comme de juste, sur le palier. Voilà, dans Monseigneur, la conjonction filmée très réussie du brave petit populo parisien, volontiers révolutionnaire, grognon mais bon vivant et de la haute société qui, en 1949, existe encore un peu dans son apparat figé, sédimenté mais civilisé et extrêmement bien élevé. (suite…)
Les trois jours du Condor
mardi, novembre 3rd, 2020Ah il est vrai que ça part à 200 à l’heure – et même à 250 – et qu’on est ébloui, émerveillé, scotché dans son fauteuil, lorsque dans cette agence occulte pilotée par la CIA, un massacre couche au sol en un rien de temps et avec une grande facilité sept braves employés routiniers de l’agence de renseignement. Des agents dont le boulot consiste à traquer, dans toutes les publications du monde, les failles de sécurité, les anomalies, les fuites potentielles qui pourraient mettre en péril les orientations et la politique impériale des États-Unis. Dans un grand appartement sans charme de New-York travaillent sans trop se fouler une petite dizaine de fonctionnaires un peu flemmards et sans doute guère bien payés. Jusqu’à ce que surgisse l’impensable : le massacre. (suite…)
Mr. Smith au Sénat
lundi, novembre 2nd, 2020Il faut reconnaître à Frank Capra le grand mérite de réaliser un film sympathique et même attachant sur les plus grandes naïvetés des États-Unis d’Amérique : l’adulation de la Constitution, la croyance en la démocratie et la certitude qu’en fin de compte le Bien triomphera du Mal ; ces billevesées qui ont suscité l’enthousiasme et la détermination des émigrants puritains du Mayflower et qui continuent encore aujourd’hui à irriguer le cœur profond de cette étrange nation. À tout le moins tant qu’elle ne sera pas submergée par la conjonction intersectionnelle des minorités agissantes. Toujours est-il qu’il y a dans Mr. Smith au Sénat, au delà de la vivacité brillante du récit, une sorte de plaidoyer illuminé en faveur d’un pays qui se croit béni par Dieu et capable de donner des leçons au monde entier. (suite…)
Sunshine
vendredi, octobre 30th, 2020Le paradis est nettement plus loin.
Il ne faut évidemment pas être trop exigeant sur les détails et imaginer qu’on assiste dans Sunshine à une tentative réaliste de sauvetage de notre pauvre et chère Humanité. Déjà penser qu’en 2057 (je n’aurai alors que 110 ans et je m’espère encore en pleine forme, bon pied, bon œil), l’éclat de notre cher Soleil se sera tellement atténué que notre encore plus chère Terre connaîtra une période glaciaire est idiot. D’abord parce que les scientifiques les plus pessimistes assignent à cette inéluctable extinction un peu davantage de temps : cinq milliards d’années, au bas mot. Ensuite parce qu’il me semble que la doxa actuelle ne cesse de pleurnicher, pour les prochaines décennies, à un réchauffement de notre planète, apparemment vraisemblable, mais où la misérable action humaine n’est certainement pour rien, ou si peu de chose…
Un tramway nommé Désir
jeudi, octobre 29th, 2020Il y a sûrement quelque chose un peu maléfique, assurément quelque chose de malsain dans l’atmosphère trop touffue de ce Sud profond des États-Unis, d’où nous arrivent, comme ça, des bouffées de haine et de dégoût, des histoires de folies et de frustrations qui surgissent au milieu des bayous, des tulipiers chargés de mousse espagnole, dans une atmosphère étouffante.
On songe aux horreurs de Angel heart d’Alan Parker, à la cruauté de Chut, chut, chère Charlotte de Robert Aldrich. (suite…)
Enquête sur un citoyen au dessus de tout soupçon
mardi, octobre 27th, 2020Me voilà bien navré de ne pas pouvoir partager l’enthousiasme général et les dithyrambes éloquents sur ce film d’Elio Petri dont la qualité du titre, vigoureux et agressif, de la musique (d’Ennio Morricone évidemment) et de l’interprétation est, de fait, absolument remarquable. Mais, comme souvent, les films un peu mythifiés, dont on attend tant et plus et davantage, font souvent subir ce genre de déconvenues ou plutôt de légères déceptions : on vous a tant vanté le ton percutant, l’intelligence du récit, la subtilité des dialogues de cette Enquête que le préjugé favorable dont elle bénéficiait ab initio s’effrite au fur et à mesure qu’elle se déroule. (suite…)