Pour n’avoir jamais lu la moindre ligne des romans d’aventure de Norbert Jacques, écrivain luxembourgeois qui ont tenté de donner au Docteur Mabuse une silhouette analogue à celle de l’immense Fantômas, je suis bien incapable de dire s’il y avait dans ce qu’il écrivait le même cynisme et la même cruauté que celle des livres de Pierre Souvestre et Marcel Allain. C’est fort possible, mais enfin ça ne peut être qu’une copie, possiblement très réussie, je veux bien le croire, de la légende sombre de cette sorte de Démon du Mal. Pourquoi pas ? Toujours est-il que dans l’Allemagne terriblement complexée des lendemains de sa défaite, cette sorte de génie maléfique a connu un succès à la mesure de sa malfaisance ; certains en ont d’ailleurs interprété sa prévalence comme une figure du nazisme qui pointait son nez. Pourquoi pas, d’ailleurs ? L’éternelle Germanie est toujours prête à se donner à un épouvantable maître… Voilà un fait de nature. (suite…)
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Docteur Mabuse : le joueur
samedi, octobre 24th, 2020Géant
mercredi, octobre 21st, 2020Trois heure vingt de film et pourtant l’impression, à la fin, que le réalisateur George Stevens, qui avait pris son temps au début pour poser la situation et les personnages, les présenter aux spectateurs, a tendance à bâcler son histoire. Parce que dans les derniers trois quarts d’heure, tout se précipite et s’amoncelle, parce que surviennent révélations et catastrophes, parce que le temps est comprimé, que les ellipses se multiplient et que le récit explose et, de ce fait, perd sa limpidité et sa cohérence. C’est-à-dire que l’ampleur de la chronique aurait pu justifier une ou deux heures supplémentaires pour mieux mettre en exergue et présenter l’étonnante mutation qui va faire passer le Texas des grands espaces sans fin, aux ranches de plusieurs dizaines de milliers d’hectares à la terre promise du pétrole. (suite…)
Piège de cristal
mardi, octobre 20th, 2020On sait bien, parce que c’est évident et que c’est la loi du genre, qu’à la fin tout va s’arranger et que John McClane (Bruce Willis) triomphera des méchants et fera triompher le Bien. Mais ce qui est très bien c’est qu’on se demande vraiment comment il va faire et quels sortilèges il devra employer pour mettre en l’air l’entreprise subtile et sanglante de Hans Grüber (Alan Rickman) de s’emparer de 640 millions de dollars benoîtement enfermés dans le coffre d’une entreprise multinationale. Sortilèges n’est d’ailleurs sûrement pas le mot adéquat, puisque McLane est d’emblée présenté comme un petit policier honnête, cabochard, grognon ; presque, pourrait-on dire, limité. Rien en lui d’un superman, d’un héros de légende volant au secours de la veuve et de l’orphelin, ou sauvant le monde à ses moments perdus.
1974 – Une partie de campagne
dimanche, octobre 18th, 2020« Je vous parle d’un temps… »
Les jeunes gens d’aujourd’hui – c’est-à-dire, dans mon esprit ceux qui ont moins de cinquante ans – auront du mal à imaginer, s’il leur vient l’idée de regarder le film de Raymond Depardon, l’extrême intérêt que ce document présente pour les vieilles gens de ma complexion et de mon âge. Et, à dire vrai, je ne crois pas vraiment qu’ils puissent s’y intéresser, tant ce documentaire passionnant est profondément ancré dans le moment précis où il a été tourné et nécessite, pour qu’on le goûte vraiment, sans doute moins des connaissances sur la période (qu’on pourrait acquérir par des livres) que des souvenirs de ce qu’on voit à l’écran. (suite…)
Le loup de Wall street
jeudi, octobre 15th, 2020De bons petits diables.
Comment se fait-il que je ne me sois pas ennuyé une seconde devant Casino et que j’aie trouvé Le loup de Wall street interminable ? Les deux films de Martin Scorsese ont une durée analogue de près de trois heures et explorent l’un et l’autre les tréfonds de la bassesse friquée, bien flanquée des dépendances parallèles de la drogue et au sexe. On voit dans l’un et l’autre la morgue étasunienne et l’adulation du dollar, le mépris des pauvres gens – c’est-à-dire des gens honnêtes – et la marche infernale vers la chute terminale. Dans l’un et l’autre il y a des acteurs de grande qualité et des filles superbes, Robert De Niro et Sharon Stone ici, Leonardo DiCaprio et Margot Robbie là. (suite…)
La sirène du Mississippi
lundi, octobre 12th, 2020Une noyade.
Allons, soyons francs, soyons lucides et ne nous racontons pas d’histoires : si La sirène du Mississippi n’avait pas été réalisée par François Truffaut, dans quelle catégorie infamante aux yeux de la critique et des médias du Camp du Bien (rangeons là Le Monde, Télérama, Les Inrockuptibles et une palanquée d’autres, moins notoires) le film serait-il rangé ? Cette sorte de récit aussi tordu que torturé pouvait faire jadis le miel et le lait des cinéastes du Samedi soir, coutumiers des histoires un peu noires, à tonalités policières mais en aucun cas entrer dans les cases révérées par la Nouvelle vague. (suite…)
In girum imus nocte et consumimur igni
lundi, octobre 12th, 2020Sidérant.
Déjà, indiquer que la note médiane que j’attribue à ce que je viens de voir (car le terme film n’est pas approprié, ou ne l’est pas dans son acception habituelle) ne signifie rien. Un zéro ne voudrait rien dire, car ce qu’a créé Guy Debord mérite bien davantage et une appréciation très élogieuse ne serait pas plus satisfaisante. Une heure et demie et un peu plus composée de beaucoup d’images fixes, d’insertions de bandes d’actualité et/ou d’extraits de films classiques qui interviennent à brûle-pourpoint, cela sur un commentaire continu en voix off de l’auteur, verbeux, foisonnant, prétentieux, intelligent, attirant, répulsif, fascinant. (suite…)
Fellini Roma
samedi, octobre 10th, 2020Les enfants de la Louve.
En 1972, lorsque le film a été tourné, il y avait déjà bien des années que Federico Fellini pouvait tout se permettre et se permettait tout, encensé par toute la critique mondiale et suffisamment suivi par les spectateurs pour que les pouvoirs publics accordent les autorisations indispensables et que les producteurs mettent des sous dans le pot ; quelquefois beaucoup de sous sans doute comme dans Fellini Roma. Liberté totale d’action qui permettait en outre au réalisateur de tourner sans vedettes connues ou même sans acteurs confirmés, sauf pour quelques apparitions en forme de clins d’œil (des caméos, je crois) comme Anna Magnani qu’on voit quelques secondes et qui conclut le spectacle. (suite…)
L’éducation sentimentale
mercredi, octobre 7th, 2020Été et fumées
J’avais dix raisons de regarder avec un préjugé favorable cette Éducation sentimentale ; j’en avais une de me méfier. Commençons par celle-là : je ne suis pas fort amateur de Gustave Flaubert dont je reconnais volontiers l’immense talent et même la stature de géant des Lettres françaises, mais dans l’œuvre de qui j’entre assez mal et je me noie vite. Je fais une exception pour Madame Bovary, m’amuse quelquefois avec Bouvard et Pécuchet, mais je trouve rien d’aussi ennuyeux que Salambô, sinon La tentation de saint Antoine. Quand à L’éducation sentimentale, je l’ai lue trois fois, la dernière il n’y a pas trois ans et je n’en ai toujours rien retenu, à part les noms des deux protagonistes centraux, Frédéric Moreau et Marie Arnoux, ce qui est particulièrement décourageant pour un texte qui occupe tout de même 430 pages dans mon édition (ancienne) de La Pléiade. (suite…)
India song
mardi, octobre 6th, 2020Que diable allait-il y faire ?
Il y a vingt films qu’en hommage à Michael Lonsdale qui vient de mourir, j’aurais pu voir ou revoir cette après-midi. En cherchant un peu j’aurais sûrement pu trouver sur une plateforme de streaming ces Fantômes de Goya de Milos Forman que je ne connaissais pas ou l’intéressant Chacal de Fred Zinnemann, vigoureuse histoire sur fond de tentative d’assassinat du général de Gaulle par l’OAS. Ce film présentait en plus l’avantage de réunir à l’écran Lonsdale et Delphine Seyrig, qui fut le grand amour inabouti de sa vie. J’ai choisi une autre œuvre où les deux grands comédiens jouaient ensemble et comme je nourris en ce moment, allez savoir pourquoi, une forme de masochisme cinématographique, je me suis projeté, après un très mauvais Fernandel, (L’acrobate), et un pire (forcément pire !) Godard, (One + One), je me suis projeté donc India song de Marguerite Duras. Diable !