Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Whisky à gogo

dimanche, juillet 7th, 2024

Célébration de l’eau-de-feu.

Avant que la Grande-Bretagne ne devienne le 51ème État d’Amérique, elle a connu, nourrie d’excentricité et de nonsensique, une période délicieuse largement portée par le talent de Sir Alec Guinness. Est-ce parce que cet immense acteur ne fait pas partie de la distribution de Whisky à gogo que j’ai trouvé bien faible ce film de 1949 d’Alexander Mackendrick dont j’ai pourtant bien apprécié L’homme au complet blanc(1951) ou Tueurs de dames (1955) ?

Guinness rayonne dans Noblesse oblige de Robert Hamer (1949), et on m’a dit grand bien de son interprétation dans De l’or en barres (1951) de Charles Crichton qui, presque cinquante ans plus tard (1998) réalisa ce petit chef-d’œuvre d’esprit et de sarcasme nommé Un poisson nommé Wanda qui renouait alors avec cette tradition d’Outre-Manche. (suite…)

Le comte de Monte Cristo 2024

dimanche, juin 30th, 2024

Comment réussir un ratage.

Ceux qui n’ont jamais lu Le comte de Monte-Cristo (même dans la version raccourcie et enfantine de la Bibliothèque verte), qui n’ont pas pu vibrer au fil des 1500 pages du roman d’Alexandre Dumas dans sa version intégrale pourront trouver du plaisir à regarder cette grande machinerie hollywoodienne. Il est vrai que lire, aujourd’hui, c’est demander beaucoup. Pourrait-on alors renvoyer aux précédentes adaptations filmées du récit ? Une bonne dizaine depuis l’arrivée du cinéma parlant, notamment celle de Robert Vernay en 1954 avec Jean Marais ou celle de Claude Autant-Lara en 1961 avec Louis Jourdan dans les rôles-titre. (suite…)

L’empire des sens

jeudi, juin 27th, 2024

Nipporno délirant.

Tout le monde, ou presque, a entendu parler de ce film exotique, confiné dans les paysages urbains ennuyeux, sombres et encombrés du Japon de 1936, où deux amants sans épaisseur passent leur temps à se donner du plaisir devant les yeux de spectateurs vite lassés. Remarquez, ayant écrit cela, il faut que je mette d’emblée quelques nuances. D’abord parce que se donner mutuellement du plaisir est plutôt davantage agréable que de se jeter des injures à la figure ou s’ennuyer à la lecture d’un livre d’Alain Robbe-Grillet.Puis parce que je crains que nombre des spectateurs aient été ravis de voir cet empilage de baises diverses. (suite…)

Africa addio

lundi, juin 24th, 2024

Le sanglot de l’homme blanc.

Il n’y avait pas de raison pour qu’après les très beaux succès de Mondo cane et de Mondo cane 2 (1962 et 1963), compendium des bizarreries, singularités, horreurs, aberrations magnifiques ou révoltantes qui irriguent le monde et notre pauvre humanité, les auteurs, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi s’arrêtent en si bon chemin. D’autant plus qu’ils venaient, finalement, de créer un genre cinématographique nouveau, le mondo, à base de documentaires roublards et volontairement choquants. Genre qui a longtemps prospéré (l’admirable Cannibal holocaustLe dernier monde cannibale voire Le projet Blair witch jusqu’à se perdre dans l’horreur des snuffmovies. (suite…)

Les croulants se portent bien

vendredi, juin 21st, 2024

Jeux interdits.

Comme on n’avait pas peur des mots aux temps anciens de la prospérité, on n’appelait pas les vieillards seniors ou – pire ! – personnes âgées, euphémismes ridicules qui n’abusent personne sauf ceux qui sont dans le déni. Mais comme au début des années 60 la jeunesse commençait à avoir droit au chapitre et à s’émanciper un peu, elle s’amusait à trouver pour leurs aînés des sobriquets narquois, ironiques, jamais méchants (tout au moins dans l’esprit). Il y a eu un temps la mode des PPH (Passera pas l’Hiver) aggravé par le PPS (Passera pas la Soirée) pour les très vieux. Il y a eu surtout, souvent destiné aux parents, ce terme de Croulant qui n’est pas mal trouvé et qui dépeint assez justement l’âge où hommes et femmes abordent la pente descendante de la vie : la cinquantaine. (suite…)

Les amours d’Astrée et de Céladon

vendredi, juin 14th, 2024

Les druides ont bien du mérite.

Ne jamais oublier qu’Éric Rohmer a de tout temps été habité par la Littérature. Deux échecs au concours d’entrée à l’École Normale Supérieure (Ulm), un à l’agrégation de Lettres classiques. Se souvenir que chacun des six films de ses Comédies et proverbes (de La femme de l’aviateur – 1981 – à L’ami de mon amie –1987 -) est illustré par un aphorisme (quelquefois inventé ou détourné) issu de la plume d’un grand écrivain. Et qu’il a réalisé quatre escapades dans des adaptations littéraires. L’une est très réussie : La marquise d’O d’après Heinrich von Kleist en 1976, une autre très singulière, confondante et, à mes yeux, absolument ennuyeuse, Perceval le Gallois inspirée de Chrétien de Troyes en 1978, une autre encore, fascinante, L’Anglaise et le Duc en 2001, d’après les mémoires de Grace Elliott, maîtresse du duc d’Orléans, avec ses décors en images d’Épinal. (suite…)

Simplet

lundi, juin 10th, 2024

Trop belle pour lui.

Pendant une bonne trentaine d’années, il y a eu, dans le cinéma français, un genre bien particulier : celui de la provençalade, cousu de paysages délicieux, de chants de cigales, de bonnes doses de pastis, de répliques tonitruantes, de trognes sympathiques, d’accents qui fleuraient l’ail et l’artichaut barigoule. Mais aussi, assez souvent de grains d’amertume que sèment les amours difficiles, les filles abandonnées, les déceptions des braves gens. Si l’on se penche avec un tout petit peu d’attention sur les films de Marcel Pagnol (y compris la Trilogie de Marius, qui est moins provençale que marseillaise), on s’apercevra vite qu’il y a bien des gouttes tristes ; et qu’avec un peu de férocité, on pourrait se retrouver du côté souvent glaçant de la comédie italienne.

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Bal Cupidon

jeudi, juin 6th, 2024

L’assassin est dans l’annuaire.

Ce qu’il y a de meilleur, dans ce film de grande série tourné sans éclat et sans ennui par le fertile Marc-Gilbert Sauvajon, c’est sûrement l’atmosphère de la vie bourgeoise cossue de Cheranzy, petite ville de province quelques années après la fin de la guerre. Au fait, de la guerre il n’en est pas question une seule seconde, pas même pour évoquer des trafics, des dénonciations, des déportations. Et les seules lettres anonymes dont on parle sont écrites pour évoquer l’infidélité d’une jolie jeune femme à son vieux mari. On peut penser que la population française, en 1948, n’avait absolument aucune envie qu’on la replonge dans les histoires douteuses où chacun avait à peu près trempé et pris sa part. (suite…)

La Passion de Jeanne d’Arc

jeudi, juin 6th, 2024

La marche au supplice.

On peut se demander quel serait le film de Carl Dreyers’il avait été parlant, comme il avait paraît-il, été envisagé. Ce qui semble étonnant, car le son commençait à peine à prendre sa place dans le cinéma, mais la chose est pourtant attestée. Elle n’a pu être mise en place pour des questions de finances ou de disposition du matériel et on peut le regretter. Car ce qui empêche un peu d’élever La passion de Jeanne d’Arcau rang de grand chef-d’œuvre du cinéma, c’est précisément une sorte de manque : on s’aperçoit bien que des dialogues font défaut pour expliquer, amplifier, orienter le récit du procès. (suite…)

La lettre dans un taxi

vendredi, mai 31st, 2024

Fumée rose et grise.

Téléfilm distingué, élégant, bien élevé, du temps où la télévision avait du talent et la volonté de montrer à son public des histoires intelligentes. François Chatel, le réalisateur, présentait aux Français spectateurs de la chaîne unique (ou des deux seules chaînes) des auteurs aussi insignifiants que Théophile GautierColetteFrançoise SaganBarbey d’AurevillyMarivauxJean Anouilh. Rien que de la gnognote, n’est-ce pas, par rapport aux merveilles du rap, de Cyril Hanouna et à l’esprit subtil de la télévision poubelle. (suite…)