Rien n’est plus difficile que de réaliser un film burlesque, enlevé, fantaisiste. Un film où se côtoient plusieurs histoires ; un film de pieds nickelés qui se lancent follement dans une entreprise aussi folle : un hold-up de petits marginaux inconscients. C’est très difficile : il faut de l’ingéniosité, de l’inventivité, un sens très fort des situations cocasses ; et aussi du rythme, du rythme, du rythme. Comme les meilleures pièces de boulevard – celles d’Eugène Labiche ou de Georges Feydeau (rien moins !), nécessité d’une horlogerie très précise, très méticuleusement montée où la bouffonnerie peut n’être pas absente, mais doit être employée avec précaution.
Archive for the ‘Chroniques de films’ Category
Tout pour l’oseille
jeudi, février 16th, 2023Elvira Madigan
lundi, février 13th, 2023Marche tranquille vers l’abîme.
Une fois que l’on a dit que l’actrice principale, Pia Degermark, est belle à damner un saint qui apprécierait le genre vaporeux blond suédois (ce n’est pas mon cas mais je sais tout de même reconnaître les belles plantes), que la photographie est réussie et que le sujet est singulier, il me semble qu’on a fait le tour du film de Bo Widerberg. Parce que ressasser jusqu’à la lassitude de belles mélodies de MM. Mozart (Wolgang Amadeus) et Vivaldi (Antonio) qui sont prises, reprises et recommencées sans trêve ni variété tout au long de 90 minutes ne m’a pas paru une bien bonne idée ; si l’on veut présenter dans un film de la musique classique, il faut savoir suivre la piste de Stanley Kubrick qui dans Barry Lyndon utilise les partitions de huit compositeurs. (suite…)
La nouvelle Ève
mercredi, février 8th, 2023Ben voilà, c’est ça la vie d’aujourd’hui. Et quand j’écris ça, je dois me pincer pour me rappeler que le film date du siècle dernier, à son ultime versant, il est vrai : 1999. Mais moi qui suis du mitan de ce millénaire passé, je vois avec effarement combien la destruction voulue, systématique, intelligemment menée de toutes les traditions, les bornes, les limites et les valeurs d’antan, a donné. Et ce n’est pas joli, joli. Et ça produit des vies ravagées, sabotées, accablées ; tout ça grâce à des libertés dont peu profitent et qui, d’ailleurs donnent moins d’élans qu’elles ne retirent de force. (suite…)
Le voyage de la peur
mercredi, février 8th, 2023D’emblée, on ne sait pas qui sont les personnages que l’on va suivre dans ce voyage d’une rare efficacité dramatique. Le film commence à grande vitesse et ne cesse d’accélérer jusqu’à son dénouement, sans pourtant faire appel à des effets de suspense qu’il aurait été facile d’introduire (par exemple une scène où la police serait à deux doigts d’intervenir avec succès). Réellement le spectateur est embarqué avec ces trois hommes qui roulent sans fin sur les immenses paysages arides du Mexique : le tueur et ses deux otages, embarqués dans la même galère, qui semblent tous les trois, d’ailleurs, incapables de s’en sortir. Il paraît que le film est adapté de faits réels ; sans doute et c’est peut-être ce qui donne à la brève (71 minutes) réalisation d’Ida Lupino ce fort caractère de véracité, d’authenticité. (suite…)
Bigamie
mardi, février 7th, 2023Intéressant bref mélodrame qui a le bon esprit de laisser derrière lui un paysage dévasté, plein d’amertume et, si l’on marche dans le côté sentimental, triste à pleurer. Un beau gâchis qui ne fait que des malheureux, à la suite d’une succession de malchances, de hasards, de mauvaises dispositions des choses, alors qu’elles auraient pu à peu près trouver un équilibre. Un équilibre mal fichu sans doute, un équilibre sûrement plein d’ambiguïtés et d’insatisfactions ; mais tout équilibre est meilleur qu’un chaos anarchiste. Rien à voir avec le discours de gaudriole que peut appeler le sujet (Le bigame de Luciano Emmer avec Marcello Mastroianni en 1956). (suite…)
L’arnacoeur
dimanche, février 5th, 2023Mais quel dommage que le dernier quart d’heure soit un désastre, un supplice, une catastrophe ! Quel dommage que le réalisateur, Pascal Chaumeil, qui a tourné un film plein de drôlerie, de fantaisie, de délicieuses invraisemblances ait cru devoir le terminer par un happy end gnangnan qu’il aurait été tellement préférable de gommer, en décontenançant complétement le spectateur ! Ce que savaient si bien faire les cinéastes de la comédie italienne, conclure par la catastrophe (Le fanfaron) ou l’amertume (Parfum de femme) ou la dérision (Le pigeon)… Pourquoi n’avoir pas osé ? Pourquoi, après avoir été allègre, sarcastique, moqueur, élégant, a-t-il cru devoir tomber dans le consensuel mou si prévisible, si attendu, si banal ? (suite…)
Tueurs de dames
samedi, février 4th, 2023Il suffit d’un grain de sable.
Du temps où le cinéma britannique n’avait pas été (presque) absorbé par les gloutons d’Hollywood, il offrait une petite musique originale, délicieuse, surannée. Car, il n’y a pas à dire, l’Angleterre, c’est vraiment un autre monde, un pays presque exotique, stupéfiant, doté de mœurs et de coutumes invraisemblables et charmantes. C’était encore plus vrai au lendemain de la victoire de 1945 où le Royaume imaginait avoir gagné la guerre sans se rendre compte que dans l’ardeur du combat il avait été blessé à mort. Remarquez, c’est exactement ce que pensait la France en 1919, ne voulant pas voir qu’elle avait été saignée à blanc et que son Empire allait s’effilocher. Cou coupé court toujours (Béatrix Beck). (suite…)
The artist
vendredi, février 3rd, 2023J’ai longuement boudé The artist pour une raison un peu puérile : il m’agaçait que l‘Oscar du meilleur film étranger ait été attribué, en 2012, à un film qui n’a absolument rien de français. À part le réalisateur, Michel Hazanavicius, une partie de l’équipe technique et les deux acteurs principaux, Jean Dujardin et Bérénice Béjo. Vous me direz que ce n’est pas rien, vous aurez bien raison, mais je vous rétorquerai sans peine que c’est tellement américanisé que placer une étiquette française là-dessus est assez gonflé. Davantage même que lorsque Le cinquième élément de Luc Besson est attribué à notre pays, alors que c’est une daube cosmopolite. (suite…)
Le diable s’habille en Prada
mardi, janvier 31st, 2023Si ce n’était la fin melliflue, gnagnanesque, peinte en caramel mou et radicalement antagonique de tout l’esprit du film, je donnerais bien à ce Diable (qui) s’habille en Prada une note élogieuse, parce qu’il me semble qu’il fouille assez bien et assez à vif des territoires à la fois répugnants, éclairants et même éblouissants. Des territoires qui se situent très au delà de ce que vit la plus grande partie de notre population mais qui existent, prospèrent, emplissent les rêves de bon nombre et la réalité d’un certain nombre de privilégiés vivant une existence épuisante et grisante. Au prix de beaucoup de choses, il est vrai, leur équilibre personnel et sentimental, leur santé, leur indépendance mentale et un tas d’autres choses.
Étreintes brisées
dimanche, janvier 29th, 2023Voilà pourquoi ton père est aveugle.
C’est bien toujours un peu pareil avec Pedro Almodovar,dont je ne suis pas très connaisseur mais qui me semble tourner un cinéma immuable : pictural et pittoresque sur la forme, picaresque et très sexualisé sur le fond. Ce qui n’est pas désagréable, d’ailleurs : on ne s’ennuie pas dans les fils de l’Espagnol ; mais on n’est jamais absolument emballé. Et l’extrême sophistication des histoires contées entraîne parallèlement, il me semble, l’oubli assez rapide de leurs ramifications et de leurs invraisemblances.