Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Le point de non-retour

jeudi, mai 30th, 2024

L’argent ne fait pas le bonheur.

On le sait bien et on n’a jamais cessé de l’écrire, John Boorman était capable de tout (je dis était parce qu’il y a belle lurette qu’il ne tourne plus).

Du meilleur, de l’exceptionnel, (Délivrance et Excalibur), du ridicule, (Zardoz), du décontenançant, (L’exorciste II), du niais décoratif, (La forêt d’émeraude).

Mais il me semble aussi que son cinéma ne laisse jamais indifférent, quelles que soient ses fissures. Cela étant, il est vrai que je n’ai pas vu ses films les plus récents, ni Hope and glory, ni Rangoon (dont on m’a dit grand bien), ni Le tailleur de Panama.

Il faudra que je répare ces failles.

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L’amour d’une femme

lundi, mai 27th, 2024

« Qui voit Ouessant voit son sang« 

Il y a, d’original, entre autres choses, dans le cinéma trop négligé de Jean Grémillon de ne pas absolument centrer ses films sur la figure exclusive du mâle ; ce n’était pas si fréquent à l’époque de ses tournages. Quand j’écris cela, je sais bien que le mâle mis en scène pouvait être – était même souvent – la victime de la vie et quelquefois de la malfaisance des femmes. C’est d’ailleurs tout à fait cela qui se passe dans Gueule d’amour, chef-d’œuvre de Grémillon où Jean Gabinsubit les malfaisances d’une garce, comme il subit les malfaisances de la vie dans Remorques (et dans une palanquée d’autres films, jusqu’à presque s’en faire une spécialité). (suite…)

Elle et Lui (1939)

mardi, mai 21st, 2024

Les rois du gnan-gnan

Ça commence très bien, de façon gaie, spirituelle, virevoltante, de l’esprit et du type des meilleures comédies américaines, avec plein de dialogues ambigus, de scènes de séduction fines et bien composées. Ça s’englue sensiblement dès le milieu, dans une trop longue séquence nunuche où les deux protagonistes vont rendre visite à une vieille dame, grand-mère du héros, dans sa belle demeure de Madère. Et ça se termine lamentablement, de façon ridicule, à la fois larmoyante et nimbée d’espérances inutiles après que l’héroïne, renversée par une voiture alors qu’elle se rendait au rendez-vous décisif, relève la tête et compte bien qu’un miracle interviendra. (suite…)

L’homme au chapeau rond

dimanche, mai 19th, 2024

L’œil était dans la tombe…

Lorsque L’éternel mari, roman noir, glaçant, abominable d’un très grand écrivain – Fédor Dostoïevski – est adapté au cinéma par un magnifique dialoguiste – Charles Spaak -, filmé avec rectitude et soin par un excellent réalisateur – Pierre Billon – assisté par un décorateur exemplaire – Georges Wakhevitch – il est normal que le film soit une grande réussite. Surtout quand il est interprété par un des plus grands acteurs du siècle dernier – Raimu, dont ce fut le dernier rôle et mourut trois mois après jour pour jour après la sortie de L’homme au chapeau rond sur les écrans – et que lui donne la réplique un autre très grand comédien, Aimé Clariond et des seconds rôles formidables (Louis SeignerJane MarkenMicheline Boudet, d’autres…). (suite…)

Trois vieilles filles en folie

samedi, mai 18th, 2024

Mais comment peut-on ?

Le charme des films du prolifique et étonnant Émile Couzinet, c’est d’être absolument sans queue ni tête. Ou plutôt de dépeindre avec une joyeuse insouciance un monde si absolument décalé du nôtre que l’on pourrait jurer qu’il n’a pas existé. Pourtant le film n’est pas si vieux que ça. 1952 : le cinéma existe depuis presque soixante ans et j’ai même dû voir, enfant déjà à l’âge de raison, une ou deux réalisations farfelues de ce Couzinet bizarre qui produisit dans ses studios bordelais des tas de films du cinéma populaire ; celui qui faisait mourir de rire le brave public du samedi soir, peu regardant sur la finesse et la qualité des scénarios, des interprétations, de la photographie de films destinés aux salles périphériques. Ceci aux temps où les braves gens, qui n’avaient pas encore connu les merveilles de la télévision, se précipitaient dans les salles, quand ils n’allaient pas aux cafés. (suite…)

Paris-Méditerranée

mardi, mai 14th, 2024

Cent sous de conte de fées.

Comme c’était la pratique à l’époque, le même scénario a été tourné en deux versions, allemande et française ; même base mais langues et interprètes différents, ce qui permettait de racoler le public en France et en Allemagne en faisant des économies pour plusieurs séquences et pour les décors. Ce scénario, signé par les deux Germains Bruno Granichstaedten et Ernst Marischka (celui-ci réalisateur à succès de la série des Sissi) n’est ni plus bête ni plus original qu’un autre : le coup de foudre ressenti par un homme riche pour une petite employée de magasin, homme riche qui se fait passer pour petit employé lui-même, à la fois pour jouer une charmante aventure et pour séduire une jolie fille autrement que par son opulence. C’est une situation très classique qui se termine inévitablement par une fin heureuse, c’est-à-dire par la découverte de la réalité et l’évidence d’un amour partagé. (suite…)

To be or not to be

samedi, mai 11th, 2024

Entre cour et jardin.

Voilà un film qui me semble très, et même trop habile, trop plein de virtuosités et de complexités scénaristiques au point où on en serait presque agacé par ce feu d’artifices trop chatoyant pour être honnête. En tout cas pour être assez convaincant. Oh, certes, c’est brillant, élégant, plein de drôleries et de qualités, de finesses et de brios. C’est sans doute un peu trop et, à plusieurs reprises, on se croit dans un théâtre de boulevard où les mots d’auteurs succèdent les uns aux autres, où les balcons, les galeries et les parterres frémissent devant le moindre bouleversement suscité par l’habile scénariste. (suite…)

Sanglantes confessions

jeudi, mai 9th, 2024

Pourpre profond.

D’un réalisateur dont je n’avais jamais entendu parler, Ulu Grosbard et sur un thème identique à celui du célèbre Brian De Palma, le mystère de la fille coupée en deux qu’on a surnommée Le Dahlia noir, voilà un film intéressant, innovant, original, plein de retournements et d’originalités. Le fait d’en placer l’intrigue – c’est-à-dire le martyre des pauvres filles manipulées, violées, torturées par des potentats qui se croient (et sont souvent) au-dessus des lois – au milieu de douteuses manigances de l’Église et les ambitions immobilières d’un Archevêché californien donne, de surcroît, un peu de piment supplémentaire à l’intrigue. (suite…)

Twentynine palms

lundi, mai 6th, 2024
La grande solitude du vide.
Je comprends assez qu’on puisse être un peu révulsé par le cinéma de Bruno Dumont, qui est si grinçant et bizarre qu’il fait tout pour se rendre désagréable. Je n’ai pas vu grand-chose de lui, à part La vie de Jésus et Ma loute, films l’un et l’autre situés, ancrés dans le Nord, taraudés par le vent perpétuel et la lumière grise des Flandres et de l’Artois ; une sorte d’inverse absolu avec ce qu’ont pu donner jadis et naguère, Marcel Pagnol(hors Marseille) et Jean Giono, même si les films du Midi portent souvent autant de désespérance et de pesanteur. Seulement, c’est avec une autre atmosphère, un autre soleil, brûlant ici, à peine frémissant là.

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Le roi des resquilleurs

jeudi, mai 2nd, 2024

Le chagrin et la pitié.

Pour n’avoir pas (encore) vu le film originel de Pierre Colombier avec le très extraordinaire Georges Milton de 1930, j’ai quelque scrupule à dire du mal de ce Roi des resquilleurs, remake réalisé en 1945 par Jean Devaivre qui fit une très belle Résistance et une très belle guerre, mais qui n’a pas laissé grande trace au cinéma. Comment dire ? Il faut quitter toute référence avec ce que nous voyons aujourd’hui et nous laisser porter vers le cinéma d’antan. Pourquoi pas, d’ailleurs ? c’est aussi bien que les vertueuses orientations wokistes de notre maintenant : c’est solide, idiot, bêta, sympathique, sans qualité, ni défaut : le cinéma du samedi soir lorsque les veillées n’existaient plus et que la télévision n’existait pas encore. (suite…)