Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Pain et chocolat

jeudi, mars 6th, 2025

L’homme coupé en deux.

Léger, drôle, cocasse et même quelquefois bouffon ; mais aussi pathétique, cruel, agressif parfois bouleversant ; désespéré et plein de perspectives ; la propreté glacée des lacs de montagne et la crasse grasseyante gaie des plus pauvres miséreux. Qu’est-ce qui peut comporter tout ça, sinon une comédie italienne de la meilleure veine ?

Et alors même que le réalisateur, Franco Brusati parait n’avoir aucune expérience du genre, pas même comme scénariste. (suite…)

2ème bureau contre Kommandantur

samedi, mars 1st, 2025

La résistance oubliée.

On a trop tendance à oublier, emportés qu’on est par le miracle de la Marne, l’héroïsme de Verdun, le désastre de la Somme, la victoire finale, que, lors de la Première guerre, la France a été occupée. Certes pas dans la même ampleur que lors de la Seconde, mais plus longtemps encore, de septembre 14 à novembre 18 et sur une bonne partie des terres du Nord et de l’Est, 10 départements en tout ou en partie (sans compter, naturellement, l’Alsace-Moselle aux mains des Boches depuis 1870). On a tendance à oublier, et un peu davantage, que cette occupation, de la même nature que celle de 40 (voir le très complet article de Wikipédia) a suscité, elle aussi, une vivace résistance. (suite…)

Collision

vendredi, février 21st, 2025

Toutes les douleurs du monde.

Les films où se mêlent et s’entrecroisent les destins de personnages qui n’ont apparemment pas de rapports directs entre eux sont toujours délicats à conduire : il faut tout à la fois individualiser, identifier, faire reconnaître les personnages mis en scène et brosser le panorama de la scène générale où tout le monde s’agite. En d’autres termes, l’idéal serait à la fois de scruter chacune des fourmis qui s’affairent – apparemment de façon absurde – et en même temps la fourmilière, dont la cohérence, la structure et l’harmonie constituent un exemple admirable. (suite…)

Adieu ma jolie

lundi, février 17th, 2025

Du cinéma qui tient la route.

Même si l’on n’est pas fasciné par les États-Unis d’Amérique, à peine davantage par le roman policier, il n’est pas concevable d’ignorer des créations littéraires originales comme celle de Philip Marlowe. D’autant qu’il est le héros d’une dizaine de romans et d’une tripotée de nouvelles écrites par Raymond Chandler, que les adaptations au cinéma sont légion, que le personnage a été incarné par une vingtaine d’acteurs différents, dont les plus notoires sont évidemment Humphrey Bogart et Robert Mitchum, l’un dans Le grand sommeil de Howard Hawks en 1946, l’autre par Robert Mitchum dans cet Adieu ma jolie de Dick Richards en 1975, reprise d’Adieu ma belle d’Edward Dmytryk en 1944. (suite…)

Liebelei

samedi, février 8th, 2025

Valse triste.

Le cinéma de Max Ophuls, malgré – ou à cause ? – de sa légèreté, n’est jamais un cinéma de bonheur. À tout le moins comme on entend ce mot ; Le bonheur n’est pas gai est la phrase qui conclut le dernier épisode du merveilleux Plaisir, adaptation de trois contes de Guy de Maupassant dont le moins qu’on puisse dire qu’il n’est pas un dispensateur d’optimisme. Peut-être aussi parce qu’Ophuls comme Stefan Zweig comme Arthur Schnitzler) est un enfant de cette Autriche-Hongrie mûrissante (pourrissante, pourrait-on dire presque) qui a tant donné à la Civilisation d’avant-guerre, lui a laissé un bel arc-en-ciel de crépuscule : Hugo von Hofmannsthal, Egon Schiele, Sigmund Freud, Robert Musil, Joseph Roth… Quel chatoiement ! Inconsciemment tous ces grands bonshommes ont pressenti l’écroulement de cet Empire qui retenait les forces centrifuges de la Mitteleuropa et équilibrait la stature de notre continent… Monde un peu las et même quelquefois morbide. (suite…)

Rouge comme le ciel

dimanche, février 2nd, 2025
La nuit est mon royaume.
C’est une histoire vraie ; en tout cas une adaptation sûrement fidèle de la vie de Mirco Mencacci, excellent ingénieur du son italien devenu aveugle à la suite d’un accident dans sa dixième année. Rien ne prédestinait le jeune garçon de Toscane, aux environs de Pise, à l’excellence technique. Il est le garçon unique d’une famille modeste et aimante, excellent élève assez réservé mais bien intégré parmi les camarades de son âge. Il bricole sous la conduite de son père, il travaille, il joue au football ou à colin-maillard (préfiguration peut-être un peu lourde de la suite). Un beau jour d’été, revenu à sa maison pour un petit bricolage, constatant qu’il n’y a personne, fasciné par le fusil de chasse qui trône au-dessus de la cheminée, il escalade un tabouret branlant qui vacille et se dérobe. Catastrophe : le fusil, chargé, lui envoie dans la figure une gerbe de plombs.

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Pierrot la tendresse

lundi, janvier 27th, 2025

Fin de carrière.

Érotomane sans mesure, collectionneur compulsif des pires bouquins et photos pornographiques, client assidu des bordels et abonnés aux plus rayonnantes partouzes, membre éminent de la secte immonde scatophile des crouteuxMichel Simon n’en n’est pas moins un des plus grands acteurs français.La chienneL’AtalanteLes disparus de Saint AgilLe quai des brumesFric-fracLa fin du jourCirconstances atténuantesLa PoisonPaniqueLa vie d’un honnête homme et même un rôle mineur dans Austerlitz… Et tant d’autres que, pour ne pas grossir le propos, on ne cite pas. Une gueule, une attitude, une tenue, une voix, une présence. (suite…)

Le petit arpent du Bon Dieu

lundi, janvier 13th, 2025

Misères du Sud profond.

Le roman d’Erskine Caldwell, publié en 1933, dans les plus chaudes heures de la Grande dépression (comme, un peu plus tard (1939), Les raisins de la colère de John Steinbeck dont l’adaptation par John Ford date de 1940) fut un immense succès public. On évoque le chiffre de 40 millions d’exemplaires vendus. Succès de scandales, qui a horrifié les Ligues de vertu, mais aussi, et bien entendu, fascination du public pour le monde de violence, de brutalité, de crasse, de sexualité décrit sans retenue : un abîme s’ouvre mais il rejoint la sensation que les habitants des États-Unis, qui voguaient depuis la fin de la guerre de 14 dans des flots de prospérité paradisiaque sont, par la survenue du Jeudi noir du 24 octobre 1929 dans les pires cercles de l’Enfer. (suite…)

En effeuillant la marguerite

mercredi, janvier 1st, 2025

Ce soir les jupons volent !

En général, la médiocrité de Marc Allégret ne fait de doute pour personne. D’abord giton d’André Gide lors de son voyage au Congo, ce fils de pasteur protestant a pourtant filmé quelques trucs satisfaisants : Entrée des artistes (1938), Félicie Nanteuil(1945), Blanche Fury (1948)… Mais il s’est éteint au fur et à mesure que l’étoile de son cadet Yves, auteur de plusieurs grands ou très grands films, Dédée d’Anvers (1947), Une si jolie petite plage (1949), Manèges (1951), Les miracles n’ont lieu qu’une fois (1951). Mais lui et l’autre ont connu des fins de carrière moins brillantes, effacés, étouffés par la hargne cannibale de la Nouvelle Vague. (suite…)

La femme du prêtre

vendredi, décembre 27th, 2024

Et maintenant, on va où ?

Je craignais que cette histoire d’amour très simple entre un prêtre fervent, pieux et droit et une ancienne chanteuse de variété qui a largement fait basculer sa vertu par dessus les moulins ne soit qu’acide, sarcastique, plutôt cruelle et méchamment moqueuse. Car s’il est un sujet qui fait ricaner jusqu’à plus soif les neuneus de la Libre pensée et les sectaires de la Ligue des Droits de l’Homme, c’est bien le célibat ecclésiastique. D’où leur jouissance malsaine quand sont révélées les nombreuses histoires de touche-pipi exposées avec volupté dans toute la presse ; comme si ce n’était pas le cas dans le corps enseignant, chez les animateurs de colonies de vacances et – bien entendu et c’est tellement pire ! – dans le secret des familles. (suite…)