Archive for the ‘Chroniques de films’ Category

Tous les matins du monde

mercredi, mai 1st, 2019

Nocturne.

Eh oui, ce qui est, de fait, tout à fait extraordinaire, c’est que ce film pesant, ennuyeux, rigoriste – aussi janséniste que l’est Sainte-Colombe (Jean-Pierre Marielle) – ait réuni autant de spectateurs, ait été un succès public. Je gage qu’il s’est agi là d’un de ces phénomènes de culpabilité culturelle qui fait que des gens se sentent obligés, en rapport avec ce qu’ils estiment être leur statut social, d’adhérer à certaines obligations quasiment mondaines. C’est un phénomène très connu pour les grandes expositions qu’il faut avoir vu (du type Toutankhamon), mais aussi, de temps à autre pour les essais (Le hasard et la nécessité du Prix Nobel Jacques Monod en 1970) ou même pour les romans (Le nom de la rose d’Umberto Eco en 1980, voire Les bienveillantes de Jonathan Litell en 2006). Visiteurs des expositions, acheteurs des livres sont dans le pur conformisme normatif.

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This is England

lundi, avril 29th, 2019

De si braves garçons…

C’est toujours un peu pareil lorsque de vertueux indignés entreprennent de stigmatiser la bête immonde et d’appeler l’attention des populations sur son réveil ou son surgissement. Quels qu’en soient les talents, ils vont si loin dans la volonté démonstrative qu’ils pervertissent leur propos à force de manichéisme et finissent par agacer. Lorsqu’un des meilleurs réalisateurs francophones contemporains, Lucas Belvaux, s’engage contre le Front national, un peu avant les élections présidentielles de 2017, avec Chez nous, il en fait tellement qu’il passe à côté du sujet. (Au fait, j’ai dit tant et tant de bien de presque tous les films de Belvaux que je ne puis être suspecté de lui donner là le coup de pied de l’âne). C’est un peu la même chose avec This is England dont le réalisateur, Shane Meadows entend régler ses comptes en 2007 avec à la fois Margaret Thatcher et le National Front d’Enoch Powell, situant son récit en 1983.

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La tour infernale

samedi, avril 27th, 2019

Mon Dieu, quel malheur d’avoir un mari bricoleur !

On pourra s’étonner que je chronique La tour infernale quelques jours après seulement l’incendie du 15 avril qui a ravagé Notre-Dame et qui est, bien entendu, d’une tout autre force émotive et d’une tout autre importance. Je jure pourtant que j’avais emprunté le DVD plusieurs semaines auparavant, avec une simple envie de divertissement et sans intention particulière d’admirer le courage, le dévouement, le professionnalisme des sapeurs-pompiers, qu’ils soient d’ici ou de là-bas. Disons alors qu’il ne tombe pas mal que l’on puisse le dire et le redire… (suite…)

Le bal des actrices

mercredi, avril 24th, 2019

L’entre-soi.

Comme je ne tiens pas Maïwenn Le Besco pour le phare absolu du talent cinématographique, comme j’ai ouï dire (je ne sais comment j’ai ouï ça !) que la demoiselle fricotait avec le physiquement monstrueux Joey Starr (qui joue, d’ailleurs, son propre rôle dans Le bal des actrices), j’ai glissé le DVD dans mon lecteur avec un préjugé guère favorable, en tout cas très méfiant. Et pourtant, sur les seules premières vingt minutes, j’ai bien failli changer de point de vue et me laisser prendre au jeu. Je ne me faisais pas d’illusions, toutefois, sur le caractère terriblement nombriliste de l’exploration du petit monde des actrices, sur le territoire circonscrit à quelques arrondissements branchés de la Capitale et à des dames plutôt jolies, au demeurant, mais qui ont leurs soucis, comme tout le monde.

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Le charme discret de la bourgeoisie

mardi, avril 16th, 2019

Voyage en Absurdie.

Voilà sans doute un des meilleurs films de Luis Bunuel, un film dont l’affiche diffusée un peu partout, est pourtant extrêmement ridicule. Mais un film où le génial iconoclaste espagnol retrouve la plus grande partie de la verve destructrice de ses débuts. Qu’elle s’exerce contre la classe bourgeoise dominante n’a, à mes yeux, aucune espèce d’importance : on ne se pose qu’en s’opposant, disait je ne sais plus qui et, en tout cas, les lazzis lancés jusqu’à plus soif envers cette fraction de la société qui a pris le pouvoir lors de l’âge des Révolutions n’est là que pour marquer qu’elle a emporté la mise. Au 17ème siècle, les mêmes sarcasmes auraient pu être employés contre l’aristocratie et aujourd’hui, s’il y avait encore un Bunuel, contre la médiature du Camp du Bien, celle qui se gonfle d’importance devant ses Audimat télévisés. (suite…)

Le roi du curling

dimanche, avril 14th, 2019

Ciel gris et margarine.

Fortuitement m’est venu sous la main et donc tombé sous les yeux un gentil film bien sympathique mais tout de même très minimal. Un film venu de Norvège, pays lointain et bourré de pétrole et de gaz, dont la notoriété cinématographique n’est pas éclatante, c’est le moins qu’on puisse dire. Je dois d’ailleurs avouer que je ne connaissais guère de ce pays que d’être celui du soleil de minuit et la patrie d’Henrik Ibsen, le dramaturge auteur de la redoutablement ennuyeuse Hedda Gabler, d’Edvard Grieg, le musicien de Peer Gynt et d’innombrables champions de ski. (Je doute qu’on puisse qualifier d‘homme célèbreAnders Breivik, le terroriste aux 77 victimes). (suite…)

Pale rider

jeudi, avril 11th, 2019

Il court, il court, le furet…

Mon Dieu, quel ennui et quelle lourdeur dans cette pâle imitation de L’homme des vallées perdues de George Stevens qui, malgré son titre français magnifique, ne cassait pourtant pas trois pattes à un canard (et qu’on aurait sûrement oublié, en France, s’il avait conservé son abstrus titre original, Shane). Qu’est-ce que c’est que ce paresseux scénario, ces allers-retours interminables, ces ellipses incommodes à la compréhension du récit, cet ange qui se veut exterminateur (et qui l’est, d’une certaine façon) mais n’a pas la moitié du quart du tiers des épaules pour être convaincant ? (suite…)

Babel

mercredi, avril 10th, 2019

Ouarzazate et mourir.

Qu’est-ce que c’est que la virtuosité, qualité essentielle, mais non suffisante qui échoit en partage à certains artistes, qui appelle à en admirer l’éclat, le brio et le brillant, mais qui porte en elle-même ses limites ? L’histoire de la musique a retenu le nom de Niccolo Paganini comme un violoniste dont on n’hésitait pas à qualifier le jeu de diabolique, paraissant surmonter les pires difficultés avec une grande facilité, mais il n’occupe pas, dans l’histoire de la musique, une autre place que celle d’un instrumentiste souverainement doué. Et, par conséquence, d’un interprète aux capacités un peu vaines, réservées à l’éclat, mais nullement à la profondeur. (suite…)

M le maudit

lundi, avril 8th, 2019

Un homme marche dans la ville.

Le premier film parlant de Fritz Lang commence, de fait, à toute allure et introduit d’emblée le spectateur dans le récit : des enfants qui, dans la cour d’un immeuble ouvrier, chantent une comptine affreuse. Le méchant tueur vient à son heure, il fera de toi un hachis !. Rien de plus délicat pour l’enfant ainsi sorti de la ronde. On sent rôder l’inquiétude des mamans. Puis un gros plan sur une affiche : 10.000 marks sont offerts à celui qui donnera un renseignement sur le tueur qui sévit en ville et qui a déjà assassiné plusieurs petites filles. La maman qui se ronge les sangs en sentant passer les minutes et ne voit pas son enfant revenir déjeuner ne supporte plus l’attente.

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La charge de la brigade légère

vendredi, avril 5th, 2019

Qui va à la charge perd sa place.

Je sais qu’il est de bon ton aujourd’hui de se gausser du ton du film de Michael Curtiz ; on lui trouve tous les défauts que la doxa contemporaine s’attache à extirper de nos cervelles : apologie du colonialisme, de la bravoure folle, des vertus guerrières, de l’élégance des uniformes et de la discipline des troupes de Sa Majesté britannique. J’ai même lu quelque part que des amis des animaux s’étaient émus parce que quelques chevaux s’étaient cassé les pattes lors des cavalcades et avaient dû être abattus (comme tous les chevaux sur tous les champs de course du monde, en tout cas jadis et naguère ; peut-être que maintenant on sait les soigner, tant mieux pour eux). Je sais aussi qu’il existe une version postérieure de l’aventure, réalisée par Tony Richardson en 1968 (tiens donc ! la date n’est pas insignifiante) qui prend le contre-pied de la légende dorée interprétée par Errol Flynn. (suite…)