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Hier, aujourd’hui et demain

dimanche, juin 17th, 2018

Les malheurs de Sophia.

Je n’attache pas énormément de poids aux distinctions que s’entre-attribuent à foison les professionnels de la profession, les Oscars, Césars, Palmes d’Or, Ours du même métal et tout le toutim mais je ne les voue pas pour autant aux ténèbres extérieures. Et puis les prix obtenus comme réalisateur par Vittorio De Sica ont couronné des films si éclatants (SciusciaLe voleur de bicycletteMiracle à MilanLe jardin des Finzi-Contini) que je ne pouvais qu’être favorablement disposé pour Hier, aujourd’hui et demain qui reçut l‘Oscar du meilleur film étranger à Hollywood en 1963.

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La mort en ce jardin

jeudi, juin 14th, 2018

Au bout de la forêt coule une rivière…

Il faut toujours se méfier de la vision sarcastique, noire, cruelle de Luis Bunuel : là où l’on croit assister à un récit d’aventures finalement assez classique, surgit à tous moments l’ironie et la singularité du cinéaste, qui n’a eu ni prédécesseur, ni successeur dans le genre. C’est exactement ce que dit, dans un des suppléments du DVD le critique Charles Tesson : La mort en ce jardin est un film de John Huston, mixage du Trésor de la Sierra Madre et de L’odyssée de l’African Queen mais réalisé par Luis Bunuel ; ce qui, en effet change tout et introduit une dose suffisante d’étrangeté pour qu’on y reconnaisse toujours la patte du réalisateur espagnol qui était alors, en 1956, au cœur de sa période mexicaine, entamée en 1947 par Le grand casino et conclue en 1962 par L’Ange exterminateur. (suite…)

Une journée en enfer

mardi, juin 12th, 2018

Zim boum boum.

L’ombrageux, têtu et susceptible John McClane (Bruce Willis) qui, à la fin du deuxième épisode de la série qu’il incarne (58 minutes pour vivre), filait le parfait amour avec sa charmante femme Holly (Bonnie Bedelia) se retrouve, au début du troisième, à la fois séparé et alcoolique. Selon ce qu’il dit, il s’est disputé téléphoniquement avec la dame et, en une année, personne n’a eu l’élémentaire intelligence de rappeler l’autre. Cette dispute n’apporte rigoureusement rien au scénario, au demeurant, et je soupçonne qu’elle a été inventée pour la commodité de la réalisation, l’actrice n’étant pas disponible ou ne souhaitant pas reprendre le rôle. Pour le reste, on demeure sur les recettes les plus éprouvées qui ont fait le succès de la série et qui, on en convient volontiers, présentent une bien belle efficacité.

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Battement de cœur

dimanche, juin 10th, 2018

Une jeune fille rangée.

Henri Decoin était encore le mari de Danielle Darrieux lorsqu’en 1939, après J’aime toutes les femmesLe domino vertAbus de confiance,  Mademoiselle ma mère et Retour à l’aube, il tourna avec elle Battement de cœur. Ça ne devait plus tellement aller bien entre eux, puisqu’ils divorcèrent en 1941, mais comme c’étaient deux artistes extrêmement bien élevés, ça ne les a pas empêchés de tourner ensuite le délicieux Premier rendez-vous (modèle de film léger, spirituel, fait pour permettre aux Français d’oublier un peu la pesanteur de l’Occupation) puis, bien plus tard il est vrai, La vérité sur Bébé Donge (remarquable adaptation de Simenon), Bonnes à tuer et L’affaire des poisons. Il y a quelque chose de charmant et de solide là-dedans.

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Reflets dans un œil d’or

mercredi, juin 6th, 2018

Gai, gai, marions-nous !

Je voyais plutôt jusque là John Huston principalement comme un grand, un très grand conteur d’aventures fabuleuses, souvent conclues par la brutalité de la mort et de l’échec, quelquefois additionnées du grand rire de dérision jeté aux ridicules efforts de la pauvre Humanité pour s’en sortir et rarement dépourvues de la cruauté nécessaire. Et de fait Le trésor de la Sierra MadreQuand la ville dortL’odyssée de l’African QueenMoby DickPromenade avec l’amour et la mortL’homme qui voulut être Roi, tous films admirables, entrent complétement dans cette typologie. Et même si je savais que le cinéaste était un des plus grands talents protéiformes du cinéma mondial, capable de presque recréer le film noir (Le faucon maltais), de donner à la biographie romancée une tenue et une allure extraordinaires (Moulin rouge), de faire éclater le burlesque des Seventies (Casino Royale) et même d’adapter un texte difficile de la littérature mondiale (Gens de Dublin), je l’imaginais moins dans cette lourde lente histoire de frustration et de mort qu’est Reflets dans un œil d’or. (suite…)

Waterloo

samedi, juin 2nd, 2018

Morne plaine mais beau spectacle.

Évacuons d’abord ce qui ne va pas trop, qui gêne un peu ou qui est parcellaire ou fallacieux : en d’autres termes, donnons-nous le plaisir de faire un peu le pion. Ça commence par le carton qui ouvre le générique et qui se propose d’apprendre aux populations qui ne connaissent pas grand chose à l’épopée : Napoléon est censé être parvenu au Pouvoir suprême par sa ferveur révolutionnaire, ce qui est, tout de même, une sacrée billevesée (coquecigrue, si l’on préfère) ; beaucoup de généraux français arborent sur leur tunique un ruban de décoration jaune et vert qui fait irrésistiblement songer à la glorieuse Médaille militaire, instituée par… Napoléon III en 1852 ; lors du Vol de l’Aigle, c’est-à-dire du parcours accompli par l’Empereur, débarqué le 1er mars 1815 à Golfe-Juan, la population de Grenoble (certes ville structurellement de gauche) le salue d’une vibrante Carmagnole : il me semble bien, pourtant que ce chant révolutionnaire sanglant avait été interdit par l’Empereur (notons par ailleurs que Cularo est bien représentée comme une sorte de capitale de la crasse : on voit que Stendhal, qui en était originaire, avait la dent dure et le jugement sûr). Naturellement le maréchal Ney (Dan O’Herlihy) n’était pas présent lors de la rencontre avec les troupes royales sur la prairie de Laffrey. Enfin, de façon plus essentielle, le film n’explique pas que le parcours napoléonien, par l’intérieur des montagnes alpines et non pas par la vallée du Rhône où le cheminement aurait été plus aisé, est dû à la haine féroce que les populations ressentaient pour l’Empereur, tout le Midi, de Marseille à Bordeaux et l’Ouest ayant fini par haïr L’Ogre. (suite…)

Robinson Crusoé

mardi, mai 29th, 2018

Trou d’air.

Incidemment, pendant que je regarde le DVD de Robinson Crusoé, ma femme, qui avait autre chose à faire, passe devant l’écran et me dit : Tu as acheté ce film pour Victoria ?. Victoria est notre petite-fille et elle a 6 ans et demi ; et il est certain que j’ai commencé son instruction cinématographique en lui faisant découvrir des œuvres qui conviennent à son âge, Le magicien d’OzLa mélodie du bonheur et même Les contrebandiers de Moonfleet : rien d’étonnant qu’on puisse penser que je suis en train de visionner quelque chose que nous regarderons ensemble. Et en fin de compte je me demande si ce n’est pas la bonne façon de regarder le film de Luis Bunuel. Car, c’est là que la chose est stupéfiante, cette série de vignettes assez anodines a bien été réalisée par le sarcastique, le grinçant, le cynique auteur de Los Olvidados, du Journal d’une femme de chambre, de Belle de jour. (suite…)

Montmartre-sur-Seine

vendredi, mai 25th, 2018

Le fléau de Dieu.

Je me demande bien ce qui m’a poussé, tout à l’heure, à acquérir pour trois francs, six sous chez un soldeur cauteleux (qui voulait me vendre sa boutique) un film où jouent plusieurs de mes aversions perpétuelles : Édith PiafJean-Louis BarraultHenri Vidal, avec des dialogues d’André Cayatte… Et ce n’est pas qu’ils soient compensés par quelques autres acteurs que j’apprécie bien davantage, Paul Meurisse voire Léonce Corne ou Paul Demange mais qui ne sont là que des utilités… Je note aussi, assez goguenard, que pour ce film tourné en 1941 deux acteurs qui n’avaient pas d’antipathie pour la férule allemande, Roger Duchesne et René Bergeron cohabitaient avec d’autres, proches du communisant Groupe OctobreGaston Modot (rôle minuscule, il est vrai) et toujours Jean-Louis Barrault qui s’empiffra à tous les râteliers. (suite…)

Dossier secret

mardi, mai 22nd, 2018

Cherche scorpion hydrophile.

Ah là là, Orson Welles, quelle énigme et quelle angoisse pour l’amateur de cinéma ! ! Il y a une sorte de consensus à tenir Citizen Kane pour le plus grand film de l’histoire du cinéma mondial et donc son réalisateur pour quelqu’un dont le génie ne se discute pas. Dès lors on est bien ennuyé lorsqu’on ne parvient pas à monter soi-même dans l’élan dithyrambique et à marquer, avec révérence, toutefois, qu’on n’est pas absolument séduit par cette œuvre disparate.

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Zodiac

dimanche, mai 20th, 2018

Si lourd en restant très plat…

Ce qui est simple est faux, mais ce qui est compliqué est inutilisable a écrit quelque part (mais je ne sais plus où) Paul Valéry. En d’autres termes, quand un cinéaste entreprend de montrer avec un souci presque maniaque ce qu’est la réalité d’une enquête s’étageant sur une bonne décennie et qu’il le fait en respectant toutes les fausses pistes ouvertes, toutes les déceptions rencontrées, tous les dérisoires petits pas des progressions, toutes les minuties procédurales (survenant, de surcroît, dans un pays où les polices dépendent d’autorités politiques et géographiques différentes), toutes les mauvaises surprises et les erreurs humaines des enquêtes, il est à parier qu’il devient totalement enquiquinant. (suite…)