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L’état sauvage

samedi, mai 21st, 2022

Drôle d’endroit pour une rencontre.

Je ne sais si on se souvient de L’État sauvage, roman de Georges Conchon qui a obtenu le Prix Goncourt en 1964 et a obtenu alors un très grand succès. Le roman passait alors pour une compilation progressiste des mythes iréniques et rayonnants de la décolonisation. C’était l’époque où l’on pensait que les pays qu’on avait jadis nommé sous-développés et qu’on appelait désormais en voie de développement (une voie que l’on attend toujours) allaient grâce à leur dynamisme et leur liberté prétendument recouvrée entrer, flamberge au vent, dans la grande aventure de l’Histoire. (suite…)

Beau travail

jeudi, mai 19th, 2022

Legio patria nostra

Si je m’arrêtais à la seule façon de filmer de Claire Denis, à son sens de l’image, aux singulières chorégraphies qu’elle met en scène dans Beau travail, je ferais monter bien plus haut mon appréciation. S’accrochant à la vie d’une petite unité de la glorieuse 13ème Demi-brigade de la Légion étrangère alors stationnée à Djibouti, le regard se pose avec talent à la fois sur l’extrême exotisme aride de la contrée et sur l’entraînement quotidien des légionnaires. On pourrait se croire, au début, dans un de ces reportages qui présentent les performances magnifiques de ces soldats d’élite ; et ceci sans la mise en valeur des histoires individuelles et des commentaires empathiques des soirées télévisées. (suite…)

Femmes de personne

lundi, mai 16th, 2022

Le deuxième sexe.

Sujet britannique qui a, je crois, effectué toute sa carrière en France,  Christopher Frank est un étrange personnage. Tour à tour – ou simultanément – romancier, scénariste, dialoguiste, réalisateur. Multiples talents, multiples dons mis au service d’une certaine fascination pour le monde mystérieux des femmes. En tout cas pour le mystère que présente, pour les hommes qui s’y intéressent, la façon de penser de l’autre partie de l’humanité. L’humoriste Jean Amadou disait, de façon plaisante et évidemment parcellaire Les femmes, il faut les aimer ou essayer de les comprendre. Aucun homme n’a une espérance de vie assez longue pour faire les deux. On a fait des gloses aussi sur l’aphorisme selon quoi Les femmes de Vénus, les hommes de Mars et autres interrogations. (suite…)

Comme le temps passe…

dimanche, mai 15th, 2022

Le vert paradis.

Il n’est sans doute pas abusif d’écrire que si le malheureux André Chénier n’avait pas été guillotiné le 25 juillet 1794, à l’âge de 31 ans, il n’intéresserait plus guère que les spécialistes universitaires de la poésie pré-romantique. Et il n’est pas plus excessif de penser que si Robert Brasillach n’avait pas été fusillé le 6 février 1945, à 35 ans, on n’en parlerait plus du tout, alors que ce doux jeune homme élégiaque comme l’avait baptisé je ne sais plus qui, auteur avec son beau-frère d’une excellente Histoire du cinéma, ne manquait pas de talent. (suite…)

Few of Us

jeudi, mai 12th, 2022

Eureka !

Je me suis souvent dit, dans ma longue carrière de cinéphage, qu’il devait bien exister quelque part des films plus prétentieux, plus ennuyeux, plus soporifiques que ceux d’Ingmar Bergman ou de Michelangelo Antonioni que je tiens, avec une mauvaise foi indéniable, pour des enquiquineurs patentés ; et cela alors (que je sois sincère, pour une fois) qu’il leur est arrivé de tourner des trucs à peu près regardables. Eh bien voilà que j’ai trouvé l’insurpassable, l’introuvable, l’abominable long métrage devant quoi je viens de passer 1h39 de ma vie en me demandant à chaque minute si je n’étais pas un peu cinglé de perdre ces minutes là, compte tenu du peu de temps qui me reste à passer sur cette vallée de larmes. (suite…)

La beauté du monde

mercredi, mai 11th, 2022

La vie alourdie.

Dans le paysage friqué et formaté à la fois pour les soirées du dimanche soir de TF1 ou pour les sorties confidentielles dans les salles inconfortables du Quartier latin soutenues par TéléramaCheyenne Carron poursuit son joli bonhomme de chemin. J’allais écrire sans rien demander à personne. En fait, si, elle demande à chaque fois l’aide du CNC (Centre national de la cinématographie) qui, rituellement lui refuse le moindre concours. Alors, en bouclant ses films avec des bouts de ficelle, en réalisant des miracles, en faisant désormais un peu appel aux financements collaboratifs, en choisissant des interprètes débutants ou peu connus qu’elle ne peut rémunérer mais qui acquièrent ainsi à la fois un peu d’expérience et une ligne de plus à leur CV, elle tourne chaque année. (suite…)

Mes chers amis n°2

dimanche, mai 8th, 2022

Savoir épuiser un filon…

Il y a bien longtemps, bien longtemps que j’attendais de revoir Mes chers amis 2 qui, à la suite du merveilleux premier volet, m’avait paru ne pas déroger beaucoup à la férocité sarcastique (et quelquefois désespérée) qui fait tellement l’essence des films de bande. D’abord j’avais conservé le premier épisode enregistré sur une VHS gélatineuse capté lors d’une diffusion télévisée et puis en 2013 un DVD honnête est sorti. Mais il n’y avait pas la moindre trace, moins encore la moindre espérance pour le n°2. Et puis voilà le miracle qui se réalise grâce à un ami qui a, en quelque sorte, des pouvoirs magiques et détient des trésors de films absurdement jamais réédités. (suite…)

Nanouk l’esquimau

jeudi, mai 5th, 2022

Et on se plaint !

Un moyen métrage du temps du cinéma muet qui, malgré les années, demeure tout à fait intéressant. Varié, bien rythmé, didactique, expliquant avec soin et pédagogie dans de nombreux cartons l’existence quotidienne des pauvres gens qui ont le malheur de s’être arrêtés, lors des grandes migrations antédiluviennes (ou presque) dans les territoires glaciaires. Car Nanouk l’esquimau et toute sa famille vivent – ou survivent, pourrait-on dire – au nord du Canada, dans la baie d’Hudson, à la limite de l’océan glacial arctique. À dire vrai, lorsque je regarde la multiple splendeur du monde et les merveilles tendres qu’il recèle, je m’interroge toujours sur ce point. Peu importe. (suite…)

Gladiator

jeudi, mai 5th, 2022

De bruit et de fureur.

Il n’y a pas à dire, c’est de la belle ouvrage. Beaucoup de moyens, des décors superbes, une qualité d’images impeccable, une musique réussie, de la haine, de l’amour, de la violence, du sang, des horreurs et des malheurs. C’est un film formaté pour un triomphe mondial – ce qui a été le cas – et ce n’est pas là un reproche ; je dirai même qu’il n’est pas mauvais que les milliards d’habitants de notre petite planète puissent, d’une certaine façon, acquérir des références communes. Même si ces références sont passées au trébuchet d’Hollywood, cette marmite tonitruante où l’Histoire, la grande Histoire, est lavée, relavée, essorée, séchée, repassée, mise sous un impeccable emballage… (suite…)

Ice storm

mardi, mai 3rd, 2022

Tout le monde est malheureux.

Il faut reconnaître au réalisateur taïwanais Ang Lee la qualité – si c’en est une – de s’être parfaitement fondu dans le moule culturel cosmopolite d’Hollywood. Et donc d’être tout à fait capable de réaliser un film solidement composé, sans aspérités particulières, habilement mené, bien rythmé, qui n’ennuie jamais. Et surtout où l’on identifie facilement les personnages et où on suit l’entrecroisement des histoires qui en forment la trame. A contrario on pourrait dire, en s’appuyant sur ces qualités reconnues, que Ice storm manque de flamme et du brin de folie qui l’aurait fait passer en classe supérieure. (suite…)