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La loi du Seigneur

jeudi, décembre 24th, 2020

Les anges dans nos campagnes.

Le film ne serait qu’une collection un peu longuette de vignettes ennuyeuses et de pont-aux-ânes vertueux s’il ne portait un éclairage intéressant sur la secte des Quakers, qui est un peu moins originale que celle des Amish, mais tout de même bien singulière. Sans cet éclairage original, c’est une histoire bien rose-pâle, bien convenue et bien manichéenne. Tous les Nordistes sont beaux, vertueux, loyaux et (presque) désintéressés. Tous les Sudistes sont vulgaires, violents, dépenaillés et pillards. Ben voyons ! Il y a une histoire d’amour dont l’évidence ne trompe ab initio que ceux qui la vivent, des dilemmes abyssaux habilement résolus et la vie d’une famille honorable qui fait songer à La petite maison dans la prairie. (suite…)

Jim la Houlette

dimanche, décembre 20th, 2020

Cinéma du quartier.

Sans doute la pièce de boulevard écrite par Jean Guitton a-t-elle connu un certain succès puisque le film d’’André Berthomieu en est la seconde adaptation, après une première version muette de Pierre Colombier sortie en 1926. Et de fait le scénario est assez ingénieux, à tout le moins si on veut bien se laisser séduire par une pochade à ressorts très éprouvés, avec chef de bande doté d’une façade très respectable et brave couillon sacrifié par sa niaiserie aux manœuvres délictueuses de cette bande et finissant in fine de s’en sortir grâce à sa gentillesse et son honnêteté naturelles. Banal, donc, mais de robuste prestance.

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Topaze 1933

samedi, décembre 19th, 2020

Crapules et fripouilles.

Marcel Pagnol a connu presque d’emblée un succès fou au théâtre avec sa pièce grinçante présentée en 1928. Rien d’étonnant qu’une adaptation au cinéma ait vite suivi, en 1933, sous la houlette de Louis Gasnier et la présence éclatante de Louis Jouvet. Mais il paraît que l’auteur n’était pas content de cette transcription à l’écran de sa pièce, ce qui l’a poussé à en réaliser deux versions ultérieures ; l’une en 1936 avec Arnaudy en rôle-titre et qui est, dit-on, trop empreinte de provençalades (c’est-à-dire bien loin de l’esprit de la pièce, qui est très parisien), l’autre en 1951 avec Fernandel en vedette, qui est sans doute la plus notoire.

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Madame Bovary

vendredi, décembre 18th, 2020

Le rêve passe.

Si Wikipédia ne dit pas de sottises, le film de Claude Chabrol est la onzième adaptation au cinéma du roman de Gustave Flaubert et depuis sa sortie, en 1991, il y en a eu sept autres ! Adaptations, transpositions, recompositions, modernisations, peu importe : la puissance du roman est si incontestable qu’il a donné lieu à la création d’un type (comme Harpagon ou Alceste) et a mis le doigt sur la propension de certaines âmes à rêver le monde plutôt que le vivre ; sans doute est-ce plus un trait féminin que masculin, surtout lorsqu’il s’agit de sentiments, mais ce n’est pas exclusif à ce sexe. (suite…)

La femme sur la lune

mercredi, décembre 16th, 2020

Un étrange voyage.

Il paraît que lorsque Fritz Lang proposa d’adapter au cinéma Une femme dans la lune, roman que venait d’écrire sa femme, Théa von Harbou, ses producteurs de l’Universum film lui demandèrent de passer du muet au parlant. L’enregistrement des sons, initié vers 1926-27 faisait en effet de considérables progrès et le maintien du muet apparaissait comme un combat d’arrière-garde, malgré l’émoi de puristes qui voulaient que le cinéma demeurât ainsi. Lang refusa de faire ce grand saut dès 1929 et attendit 1931 pour réaliser un de ses meilleurs films, M le maudit qui utilisa le son (et avec quelle efficacité ! on frémit d’emblée lorsque dès le tout début la mère de la petite fille disparue, Elsie, enlevée par le violeur, appelle son enfant d’une voix de plus en plus inquiète). (suite…)

Juliette des esprits

vendredi, décembre 11th, 2020

Le grillon du foyer et la folle du logis.

Il ne faut pas être grand clerc pour se rendre compte que dans Juliette des espritsFederico Fellini a souhaité – est-ce une galanterie ou un investissement potentiellement rentable ? – effectuer, du côté féminin ce qu’il avait ambitionné de faire, du côté masculin, dans 8 1/2. Et, dans le commentaire bien trop bref du film en DVD, Jean Collet, grand spécialiste du réalisateur, le confirme. Les souvenirs, les rêves, les fantasmes, les angoisses, les espérances, les déceptions, les tristesses, les accablements, les dégoûts, les fascinations, tout cela qui fait la matrice de l’inconscient, si on peut les mettre en scène pour soi, on peut tenter de faire la pareille avec l’être qu’on est censé le mieux connaître, sa femme. (suite…)

Le don d’Adèle

mardi, décembre 8th, 2020

Concours d’allitérations.

Ah vraiment ce n’est pas terrible et c’est même extrêmement ennuyeux, cette transposition par l’ingénieux Émile Couzinet d’une pièce à succès créée en 1949 de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy, prolifiques auteurs de théâtre de boulevard. On peut se méfier beaucoup de ces transpositions-là parce que – je l’ai écrit vingt fois – ce qui marche assez bien dans l’atmosphère surchauffée de la salle et dans les tempêtes de rires qui s’enflent d’elles-mêmes, par leur propre mouvement, si l’on peut dire, n’a pas le même impact comique sur l’écran. Peu amateur de la scène, je n’ai pas vu en présentiel (comme on dit aujourd’hui !) les grands succès des deux auteurs ; mais le passage à l’écran d‘Ami-ami, devenu Les femmes sont marrantes sous la houlette d’André Hunebelle en 1958 ou de Potiche de François Ozon en 2010 ne m’a pas convaincu ; et il paraît que Fleur de cactus a été adapté aux États-Unis par un certain Gene Saks en 1969 avec (mais si, c’est possible !) Ingrid Bergman.

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Bagdad café

samedi, décembre 5th, 2020

La bonne fée dans le désert enchanté

Drôle de petit miracle, Bagdad café… Comment un réalisateur allemand absolument inconnu a-t-il pu accéder de façon très éclatante à la grande notoriété mondiale avant de replonger presque immédiatement ensuite dans l’obscurité ? Un film tourné dans les déserts du sud-ouest des États-Unis sans aucun autre acteur notoire que Jack Palance qui n’était plus, depuis longtemps, au devant de la scène ; un film dont les deux principales actrices féminines, l’une et l’autre de grande qualité, Marianne Sägebrecht, l’Allemande et CCH Pounder, la Noire étasunienne et où il ne se passe que si peu… Percy Adlon ne s’était jusque là signalé que par un film très très confidentiel, Céleste, adapté des brèves mémoires de Céleste Albaret, la servante-gouvernante des dernières années de la vie de Marcel Proust. À la suite du succès rencontré par Bagdad café, je note un ignoré (de moi, en tout cas) Rosalie fait ses courses. Puis il est paisiblement (j’espère) retourné vers la Germanie et la télévision. (suite…)

L’été en pente douce

jeudi, décembre 3rd, 2020

Belle fille, tristes villages…

Il n’y a pas beaucoup de rapports entre tout ça, mais tout de même en revoyant L’été en pente douce, plusieurs films me sont venus en tête, au hasard des images et au hasard des séquences. Un peu de Canicule d’Yves Boisset, pour le côté sordide, en beaucoup moins violent, toutefois. Un peu de 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix pour la survenue de la belle fille qui perturbe les équilibres masculins. Un peu de L’été meurtrier de Jean Becker pour la même raison et aussi par ce regard plongé sur les périphéries, sur la province profonde. Un peu de Sans toit ni loi d’Agnès Varda parce que le film se passe dans une contrée moche, plate, ennuyeuse, le Mauvais Midi, comme nous autres Provençaux l’appelons. Rien à voir ou peu à voir entre les intrigues, les personnages, les histoires. Rien à voir. Un seul rapport : l’époque. La décennie où tous ces films ont été tournés. (suite…)

L.A. Confidential

mardi, décembre 1st, 2020

Pourquoi me tues-tu ?

Je n’ai jamais lu la moindre ligne d’un roman de James Ellroy. Et si je m’étais rendu compte que L.A. Confidential était issu de la même plume que Le dahlia noir, j’aurais sans doute tourné mon regard ailleurs. Et ceci tant l’idée de regarder des histoires policières californiennes, qui sont à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres de ma réalité et de mon imaginaire n’a rien pour me séduire. Le dahlia noir de  Brian De Palma m’avait semblé un tel compendium de complications incompréhensibles et de machinations ennuyeuses que j’aurais craint que L.A. Confidential fût bâti du même impeccable sérieux ennuyeux anglo-saxon si j’avais appris avant de regarder le film que l’auteur était ce fameux Ellroy. Cela dit et selon les meilleurs avis, l’adaptation tournée par Curtis Hanson est beaucoup plus limpide que celle de Brian De Palma et le film bien meilleur. (suite…)