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Le maître-nageur

mardi, septembre 15th, 2020

Creusant le fond de la piscine…

Je ne suis pas loin de penser que Jean-Louis Trintignant est l’acteur de notre temps (il n’a pas encore 90 ans) qui a tourné le plus grand nombre de films de haut niveau, ou significatifs avec des réalisateurs très différents, dans une palette de rôles extraordinairement variés. Depuis Et Dieu…créa la femme de Roger Vadim en 1956 jusqu’à Amour de Michael Haneke en 2012, son visage, sa présence, sa voix, son talent ont rayonné sur le cinéma européen. Quelques titres, alors qu’il y en a tant et qu’on pourrait presque tout citer ? La plus intense des comédies italiennes, Le fanfaron de Dino Risi en 1962, le succès international (immérité) de Un homme et une femme de Claude Lelouch en 1966, le vengeur muet du Grand silence de Sergio Corbucci en 1968, le juge d’instruction de Z de Costa-Gavras en 1969 et, la même année, l’ingénieur catholique de Ma nuit chez Maud d’Éric Rohmer… En voulez-vous encore ? Le doux boutiquier perdu dans l’Exode de 1940 dans Le train de Pierre Granier-Deferre en 1973, le petit employé de banque qui devient séducteur dans Le mouton enragé de Michel Deville en 1974, le bandit cruel Émile Buisson dans Flic story de Jacques Deray en 1975… (suite…)

Les virtuoses

mardi, septembre 15th, 2020

La famille des cuivres.

Il est assez amusant de remarquer comment le cinéma britannique, qui était moribond à la fin des années 80 a sorti un pied de la tombe. Parce que malgré des succès publics ou critiques importants (Un poisson nommé Wanda de Charles Crichton en 1988, Le cuisinier, le voleur, sa femme et son amant de Peter Greenaway en 1989), l’attrait des studios étasuniens et la suppression par le gouvernement de Margaret Thatcher de réductions fiscales bénéficiant au tournage des films avaient conduit les studios à être désertés. Et chaque année, inéluctablement, le nombre des productions se réduisait comme peau de chagrin. Et cela nonobstant la qualité de réalisateurs comme James Ivory (retour à Howards End 1992, Les vestiges du jour 1993), Mike Newell, (Avril enchanté 1992) ou Kenneth Branagh (Beaucoup de bruit pour rien 1993). (suite…)

Les roseaux sauvages

jeudi, septembre 10th, 2020

La confusion des sentiments.

Il n’y a pas de genre privilégié au cinéma, pas davantage qu’en littérature, ni genres inférieurs, ni mauvais genres, ni genres à prendre avec des pincettes. On peut tout faire, tout décrire, tout conter, aborder le récit comme on le souhaite, se faire le narrateur, prendre de la distance, être omniprésent, voir les choses de haut, multiplier les ellipses narratives ou donner la raison du moindre clin d’œil. On peut tout faire, c’est une question de qualité, de talent et – quelquefois – de génie. Essayez donc de conter comment vous avez du mal à vous endormir, étant enfant, si vous n’avez pas pu recevoir le baiser apaisant de votre maman : il y a lieu de penser que vous irez au devant de graves déconvenues. (suite…)

Le père Noël est une ordure

mardi, septembre 8th, 2020

Douce nuit, sainte nuit…

Le Père Noël est une ordure a attiré dans les salles obscures, en 1982, à peu près 1,6 million de spectateurs. Disons 2 millions pour faire simple. Bien loin des 20,5 millions de Bienvenue chez les ch’tis, des 19,4 d’Intouchables, des 17,3 de La grande vadrouille. Rien à voir, aucune comparaison possible. Et pourtant, dans le langage courant, dans les private jokes des soirées entre amis, dans la mémoire collective, c’est bien le film de Jean-Marie Poiré qui l’emporte haut la main, dans un feu d’artifices de répliques et de souvenirs qu’on serait d’ailleurs bien en peine de citer avec exhaustivité tant elles foisonnent (Ma préférée, c’est sans doute Je vais les remiser par-devers moi, à propos des klougs qui viennent d’être offerts à Anémone). C’est qu’il y a un monde entre le statut de grand succès public et celui de film-culte. Les premiers s’ancrent dans leur époque, font venir au cinéma des tas de gens qui n’ont pas l’habitude de s’y rendre, les seconds édifient une sorte de légende durable, passent et repassent à la télévision, finissent par couvrir plusieurs générations. Il n’y a guère que Les visiteurs qui remplissent les deux cases, il me semble. (suite…)

Terror 2000

dimanche, septembre 6th, 2020

L’entre-soi.

Sur le site de Arte, où j’ai vu le film, Terror 2000 est présenté comme une farce grinçante d’une Allemagne réunifiée confrontée à sa propre violence. On reconnaît bien là le jargon du Camp du Bien et la vigueur militante des rédacteurs qui passent indifféremment des Inrockuptibles à Télérama, de Médiapart au Monde diplomatique. À dire vrai, j’ignore si ces deux dernières publications comportent une rubrique cinématographique, mais je suis absolument persuadé que si c’est le cas, le film de Christoph Schlingensief doit y avoir été recensé et célébré. Car, chez ces gens-là, on sait se tenir les coudes.

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Ceddo

vendredi, septembre 4th, 2020

L’Afrique à nu.

Mystérieuse, fascinante, brutale et douce Afrique, qui est peut-être le berceau de l’Humanité, jadis divisée par des empires rivaux, naguère dispersée entre les puissances coloniales, qui auraient mieux fait de n’y pas aller, mais, y étant allées, auraient mieux fait de ne pas l’avoir abandonnée aux haines tribales et à l’avidité des multinationales, qui éclate aujourd’hui sous les coups de l’absurdité des structures imposées et de l’islamisme conquérant, et qui étouffera demain submergée par une démographie insupportable… (suite…)

Le garçon aux cheveux verts

mercredi, septembre 2nd, 2020

Mettons la guerre hors la loi, fouchtra !

Il me semble qu’il y a des gens qui devraient, a posteriori se réjouir d’avoir été vilipendés, persécutés ou exécutés. Que demeurerait-il aujourd’hui d’André Chénier ou de Robert Brasillach si un sort contraire à leurs espérances ne les avait pas conduits à la peine capitale ? Que resterait-il de Joseph Losey s’il n’avait pas été victime de la chasse aux sorcières menée tambour battant par le sénateur Joseph McCarthy, qui aboutit à rejeter de l’Hollywood du lendemain de la Deuxième guerre des tas de protagonistes, dont certains avaient de la qualité ? (suite…)

Saint-Cyr

samedi, août 29th, 2020

La cabale des dévots.

Disons d’abord que les cinéastes français ont bien de la chance. Ils parviennent à réunir des financements – des financements importants – pour des films et sur des sujets dont le propos et l’allure les vouent à des insuccès publics évidents, hors une appréciation d’estime délivrée par ce que Godard appelait les professionnels de la profession. Parce que tourner deux heures d’images – souvent bien belles, d’ailleurs – sur l’ambition de Françoise d’Aubigné, veuve Scarron, marquise de Maintenon, épouse morganatique de Louis XIV, de donner à des jeunes filles de bonne noblesse mais désargentées (comme Maintenon elle-même, au demeurant) une éducation de qualité n’est pas précisément un thème censé faire affluer des régiments de spectateurs dans les multiplexes de banlieue. (suite…)

Le petit fugitif

lundi, août 24th, 2020

La ville est un échiquier.

Dans la chaleur d’un été new-yorkais du début des années 50. Un quartier pauvre, mais sans excès. Des terrains vagues, des murs de briques, des rues sans grâce. Tout ceci avec des enfants qui s’ennuient et jouent avec n’importe quoi. Un coin de Brooklyn, sans doute. Projet de copains d’aller passer la journée du lendemain à Conney Island, dans cette sorte de péninsule sablonneuse vouée depuis longtemps, par sa plage et son parc d’attractions au divertissement de la lower middle class. Rien de bien original dans l’interminable paysage des vacances d’été qu’on est bien obligé de passer chez soi et entre soi. (suite…)

Deep end

samedi, août 22nd, 2020

Comment l’esprit ne vient pas aux garçons.

Voilà un film très bizarre. Une coproduction germano-britannique tournée en 1970 par un cinéaste polonais, Jerzy Skolimowski, qui jouissait alors d’une certaine renommée et d’un grand succès critique, mais peut-être avant tout parce que, comme Roman Polanski d’ailleurs, il constituait aux yeux occidentaux une image de la rébellion intellectuelle polonaise. Un peu comme en Tchécoslovaquie de la même époque avec Milos FormanJiri Menzel, Vera Chytilova ou en Hongrie avec Miklós Jancsó. Des réalisateurs dont les ciné-clubs étaient férus et qui apportaient assurément un autre regard en Europe de l’Ouest, mais dont la singularité pouvait décontenancer.

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