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Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ?

mardi, août 18th, 2020

Pesante Vertu.

Ce qui est très bien avec le cinéma italien de l’époque, c’est qu’il pratique avec une délectation joyeuse ce qu’on pourrait appeler la transgression. S’appuyant sur une réalité sociétale extrêmement figée, sur le poids des traditions, l’importance de la virginité des jeunes épousées, la crainte des hommes de perdre la face, la parallèle obsession de la virilité triomphante et de la pudeur exigée, il n’est que plus à l’aise pour en montrer les craquements. Qu’on veuille bien ne pas me rappeler que l’action de Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ? se situe entre 1908 et 1920 et que Luigi Comencini l’a tourné en 1974 : je le sais bien, mais je doute que, surtout dans le Sud italien, en Sicile où l’histoire se déroule, les choses avaient alors tellement changé. C’est sûrement différent aujourd’hui. Quoique… (suite…)

Et vogue le navire…

dimanche, août 16th, 2020

Car déjà la nuit tombe…

Il ne faut pas que je continue à me la jouer grave avec Federico Fellini et que je poursuive à faire semblant d’ignorer qu’il est un des plus grands réalisateurs de tous les temps. Seulement, finalement, je n’ai pas vu beaucoup de choses de lui, plutôt agacé par une sorte d’impérialisme culturel, d’unanimisme qu’on est prié de respecter, sauf à se faire taxer d’imbécillité et d’ignorantisme. De la même façon qu’on est tenu d’apprécier Gustave FlaubertClaude Monet, Claude Debussy et Auguste Rodin, on est prié de placer l’illustre natif de Rimini sur un piédestal et de s’agenouiller devant son génie protéiforme. Au niveau d’adulation où on peut le situer, la moindre réticence n’est pas admise.

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La beauté du diable

mardi, août 4th, 2020

Deux cavaliers de l’orage.

Qu’est-ce qui me retient de mettre seulement la moyenne à La beauté du diable, bizarrement jamais vu jusqu’à aujourd’hui ? En aucun cas par déférence ou admiration vis-à-vis de René Clair, qui fut un cinéaste inventif et distingué mais qui à mes yeux n’a jamais tourné de chefs-d’œuvre, ni même de très grands films. Sans doute en bonne partie pour la qualité du filmage, décors et prises de vues qui incarnent au plus haut degré le classicisme cinématographique, ce que les galopins des Cahiers du cinéma ont baptisé la Qualité française contre quoi ils ont inventé le concept douteux de Nouvelle vague. Mais surtout pour un acteur, un seul. (suite…)

Nos jours heureux

mercredi, juillet 29th, 2020

Cantique de la marmaille.

Il ne faut pas, évidemment, se laisser entraîner par ses propres souvenirs d’enfance et songer toujours de retrouver quelques anecdotes et épisodes vécus et transposés de façon très honorable par le duo qu’un homme d’esprit a baptisé  Les Nakadano, c’est-à-dire Olivier Nakache et Éric Toledano, désormais importants pourvoyeurs de succès dans le cinéma français. Je précise d’emblée que je n’ai rien contre ces deux cinéastes, pour la bonne et simple raison que je n’avais vu d’eux jusqu’alors que le plus récent Le sens de la fête, qui m’avait bien plu par son originalité dans le magma informe des films prétendument comiques.

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Vipère au poing

dimanche, juillet 26th, 2020

La tête en charpie.

Avant de venir au fond du sujet, ou plutôt à l’extraordinaire puissance du récit à forte tonalité autobiographique d’Hervé Bazin, disons un mot de ce qui l’entoure, qui, tout en le rendant de qualité intemporelle, l’ancre précisément dans son époque. Nous sommes en 1922. La société ancienne se survit, avec ses beaux domaines, sa domesticité nombreuse, son respect des traditions, son sens presque maniaque de la famille. Elle a pourtant déjà été blessée grièvement par la Monarchie de Juillet (Enrichissez-vous !) et par les folles spéculations du Second Empire et de la République bourgeoise. Et le coup de grâce lui a été porté par la Grande Guerre. (suite…)

Fitzcarraldo

vendredi, juillet 24th, 2020

Le pays de la création inachevée…

On ne peut pas ne pas trouver les points communs évidents qui relient dans l’œuvre de Werner Herzog deux de ses films majeurs, Fitzcarraldo et Aguirre

mais il ne faudrait pas tomber dans le panneau consistant à en chercher méticuleusement ressemblances et oppositions, inspirations et changements de cap. C’est un exercice où il faut essayer de tenir la ligne droite et d’être rigoureux, parce que Klaus Kinski, l’enfer vert de l’Amazonie, la brume revêche, les fleuves rugueux, les rapides terribles et les indigènes interloqués, ça fait tout de même beaucoup. (suite…)

Le cimetière des voitures

vendredi, juillet 24th, 2020

Ouh là là, quelle audace !

J’ai l’impression qu’on ne parle plus guère maintenant de Fernando Arrabal qui a pourtant connu une considérable notoriété il y a une bonne cinquantaine d’années comme dynamiteur du théâtre et un des héritiers du courant surréaliste. Il est vrai qu’il se dirige, à l’heure où j’écris, vers ses 88 ans, qu’il atteindra au mois d’août prochain. Remarquez, ce n’est pas tellement une raison, puis-je assener (avec une réelle mauvaise foi) puisque demain 24 juillet, nous célébrerons le 132ème anniversaire de la naissance d’Alexandre Dumas, qui me semble être pour sa part demeuré en plein éclat de gloire. (suite…)

Comme une image

lundi, juillet 20th, 2020

Et qu’est-ce qu’on peut y faire ?

Il ne faut pas compter sur Agnes Jaoui et Jean-Pierre Bacri pour écrire des films rassérénants, optimistes et bienveillants. Ces deux-là, qui sont Juifs de Méditerranée, ont tôt compris que le monde n’était pas une partie de plaisir où tout tendait à s’arranger et, en fin de compte, allait forcément vers des fins heureuses. Le grand soleil impitoyable du Sud, on le sait depuis les Tragiques grecs, perpétués jusqu’aux histoires glaçantes de Jean Giono, n’est pas propice à la tendresse bienheureuse que lui offrent les contrées tempérées au soleil moins implacable. La douceur angevine n’a qu’à passer son tour. (suite…)

Les 5000 doigts du Dr. T

dimanche, juillet 19th, 2020

« Petit garçon il est l’heure d’aller se coucher… »

Voilà un film dont le titre étrange et séduisant, la réputation d’originalité et d’intelligence, la perspective de rejoindre les hautes lignées merveilleuses, enchanteresses du Magicien d’Oz m’avaient de longue date décidé à le regarder en famille, ma petite-fille (8 ans et demi) blottie contre mon flanc au cas où une scène un peu impressionnante exigerait l’intervention pacifiante de son grand-père ; les enfants adorent avoir peur, toutes les histoires de Barbe-Bleue, du Petit Poucet, de Blanche Neige, de Peau d’âne vous le diront, à condition qu’ils aient à côté d’eux un lien rassurant avec la réalité, qui pourra d’ailleurs aller consoler plus tardivement le cauchemar nocturne. (suite…)

Vampyr

samedi, juillet 18th, 2020

L’incertitude.

Malgré les propos très convaincants des intervenants des suppléments du DVD, qui chantent merveilles de Vampyr, je ne suis pas tout à fait entré dans l’admiration générale et j’ai regardé le film comme un exercice de style inspiré, souvent intrigant, toujours pénétrant mais qui manque un peu de substance. Si on compare le film de Dreyer (1932) au Nosferatu de Murnau (1928), il y a assurément moins d’angoisses et d’émotions fortes, bien que celui-ci soit encore muet et celui-là déjà parlant. Mais l’un s’empare d’un récit linéaire, l’autre s’évade sur des ailes oniriques qui permettent bien davantage d’expérimentations – donc de vacuités. (suite…)