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Mektoub my love

mercredi, juillet 15th, 2020

Un parfum de jasmin.

Eh oui, c’est comme ça le cinéma ! Un film interminable (près de trois heures), qui n’a qu’une intrigue accessoire et presque insignifiante, avec des séquences souvent très longues, des acteurs inconnus, des plans réalisés avec une fébrile caméra à l’épaule et qui est pourtant formidable, convaincant, naturel. Une sorte de documentaire réalisé en 2016 qui situe son intrigue en 1994 mais dont j’imagine qu’avec des adaptations conjoncturelles (j’y reviendrai) il aurait pu être tourné à toutes les époques où se sont rencontrés dans l’éclat de leurs 20 ans des garçons et des filles lors d’un été tiède et propice. C’est sans doute ce qu’il y a de plus intéressant dans le cinéma d’Abdellatif Kechiche : la capacité de fixer en images animées, dans les brouhahas qui sont ceux de la jeunesse, des instants que tout le monde a connus.

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Fog

mardi, juillet 14th, 2020

La mer qu’on voit danser.

Dans l’inconscient collectif, l’idée d’une malédiction qui flotte à la suite d’un crime jadis commis et dont la responsabilité pèse sur de braves clampins d’aujourd’hui, qui n’en peuvent mais, n’est pas fréquente mais je puis en citer au moins une. Le bien plaisant 2000 maniacs de Herschell Gordon Lewis qui date de 1964 et conte la vengeance entreprise par des fantômes Confédérés sudistes massacrés cent ans auparavant par les soldats de l’Union sur les Yankees qui s’aventurent sur leur territoire. C’est rigolard, sarcastique, joyeusement et délibérément cruel, ça fait participer toute la population sudiste au massacre des descendants de ses tortionnaires. (suite…)

Ma femme s’appelle Reviens

lundi, juillet 13th, 2020

Navet cuit à l’eau.

Dans le domaine limité, mais plutôt bon enfant et souvent plaisant de la comédie française des années 80, domaine souvent directement branché sur les facéties de la bande du Splendid, on ne peut pas réussir à tous les coups. Et les recettes qui ont marché ne fonctionnent pas forcément toujours. Prenez Patrice Leconte, un cinéaste qui ne se prend pas vraiment au sérieux et qui, peut-être grâce à ça, arrive à réaliser de temps à autre des films très réussis, très attachants. Ou simplement très drôles, comme l’était Viens chez moi, j’habite chez une copine. Déjà avec Michel Blanc et Anémone. Mais pourquoi ce qui a bien marché ici s’essouffle, là ? (suite…)

La ferme du pendu

samedi, juillet 11th, 2020

Il paraît que la terre ne ment pas.

Voilà assurément un des meilleurs films de l’honnête cinéaste Jean Dréville, avec Copie conforme et Les casse-pieds. Un cinéma sans génie, sans merveilles, mais plaisant, agréable et facile à suivre, davantage créé pour le spectateur que pour les critiques, ce qui n’est pas du tout négligeable. Un cinéma avec des acteurs solides, un déroulement sans défaillance et, ici en tout cas, un scénario bien balancé, attrayant, composé habilement de scènes de genre, d’études campagnardes et de ce qu’il faut de mélodrame pour faire progresser le récit. (suite…)

Les otages

jeudi, juillet 9th, 2020

Un film munichois ?

Voilà un film dont la place dans l’histoire du cinéma français est complexe et, d’une certaine façon, très ambiguë. Un film plaisant, attachant même, orné de bonnes trognes de bons acteurs et décoré par une jolie fille, Annie Vernay, dont le nom serait sans doute plus notoire si elle n’avait attrapé le typhus sur le paquebot qui l’emmenait à Hollywood. Elle est morte alors qu’elle n’avait pas 20 ans. Les otages était le cinquième film qu’elle tournait, juste après Werther du grand Max Ophuls. Glaçant, n’est-ce pas ? (suite…)

Danton

lundi, juillet 6th, 2020

Statues à déboulonner.

Il y a tant et tant de canailles déshonorantes sur la scène de la Révolution française que, lorsqu’on est écœuré par le sang qui a tant et tant ruisselé on a presque envie de trouver un personnage un peu moins abominable au milieu de ce misérable ramassis d’assassins. Et c’est ainsi que Georges Danton jouit d’une sorte d’indulgence relative et bénéficie même, à Paris, d’une haute statue, carrefour de l’Odéon, au débouché d’une rue qui porte son nom. Moins sanguinaire que ses complices en barbarie, Hébert, Robespierre, Fouquier-Tinville ? Si l’on veut. Mais enfin, c’est comme si, en Allemagne, on parlait d‘hitlérien modéré. Tout ça ne veut rien dire. Merci au film d’Andrzej Wajda de nous le rappeler de façon brillante et définitive.

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Braquage à l’italienne

vendredi, juillet 3rd, 2020

La mazurka des millions.

Jusqu’à ce que je m’émerveille de voir trois bombes Mini Cooper, bleue, blanche et rouge rouler à toute allure dans les couloirs du métro et des collecteurs d’égout, je pensais que Braquage à l’italienne était une œuvre originale et si j’avais rapproché d’un autre le film de F. Gary Gray c’est bien plutôt à Mission : impossible (davantage encore à la série qu’aux films) que j’aurais songé. Il est vrai que je n’avais plus du tout en tête L’or se barre de Peter Collinson depuis que je l’avais vu en 1969, dont je me rappelais seulement le trio de voitures, fantaisie charmante, virevoltante et narquoise comme savaient en tourner les Britanniques à l’époque. (suite…)

L’amant de cinq jours

jeudi, juillet 2nd, 2020

Impasse du 5 à 7…

Le troisième film de Philippe de Broca annonce bien tout ce qui fera le charme et la nécessité de ce cinéaste désinvolte, séduisant, qui tournait des films pleins de rythme et d’esprit en y semant, ici et là de jolies gouttes d’amertume, un cinéaste qui, avec un peu plus d’audace, aurait pu se hausser au niveau des plus grands, en tout cas si la comédie italienne avait trouvé durablement droit de cité en France. Il avait en tout cas le talent de faire surgir ici et là, au milieu des cabrioles et fariboles qu’il mettait en scène, une expression, un trait, un bout de tristesse vite estompés mais suffisamment mémorables pour que l’on conserve au bout du compte un petit malaise. (suite…)

Autopsie d’un meurtre

dimanche, juin 28th, 2020

« En général je ne me plains pas des croupes séduisantes »

C’est vraiment une belle performance de donner une telle tension à un film de plus de deux heures et demie dont les deux tiers se passent presque complétement dans le cadre restreint d’un prétoire. D’autant que, si l’affaire plaidée apparaît a priori presque banale, sa complexité va en s’accroissant au moment où, précisément, les détails se révèlent. Ce paradoxe, en fait, n’est qu’apparent : on sait bien que la simplicité est la chose la moins certaine du monde. En tout cas, dans les riches et tortueux chemins des films de procès, il me semble qu’Autopsie d’un meurtre est vraiment ce qui se fait de mieux, servi par des acteurs impeccables, des dialogues étincelants et une musique (de Duke Ellington), vive, nerveuse, qui s’adapte avec élégance et intelligence aux péripéties présentées. On peut même ajouter le générique très heureusement daté et jazzy.

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Dancer in the dark

jeudi, juin 25th, 2020

Danse macabre.

Plus je découvre le cinéma de Lars von Trier que, méfiant envers tout ce qui est scandinave j’avais longuement négligé, plus je suis surpris, dérangé, interloqué. Séduit, charmé, émerveillé ? Ah, non, ce ne sont pas les mots qui conviennent ; mais attiré, intéressé, fasciné, sûrement oui. Un cinéma qu’on pourrait presque qualifier de barbare si l’on était sûr que cet adjectif-là est compris dans son acception classique et première : un cinéma étranger à notre âme classique, au goût de la mesure hérité de la Grèce, à la révérence pour l’ordre harmonique qui nous vient de Rome. Avec Lars von Trier nous éclate au visage une violence brutale, qui peut être sommaire, gênante et quelquefois même ridicule, un peu. Mais qui ne peut pas laisser indifférent. (suite…)