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Le bonheur est dans le pré

lundi, avril 9th, 2018

Histoire d’oies.

Avec Le bonheur est dans le préÉtienne Chatiliez, réalisateur publicitaire qui avait fait une irruption tonitruante au cinéma avec l’excellent La vie est un long fleuve tranquille et le presque aussi bon Tatie Danielle, films grinçants, narquois, intelligents, drôles comme tout, qui renversaient les vaches sacrées de la bien-pensance, engageait une longue dégringolade. Et même une dégringolade stupéfiante dans l’intensité et la profondeur pour parvenir à l’abomination absolue d’Agathe Cléry.

 

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Aventure à Paris

samedi, avril 7th, 2018

Le grand Jules.

Aventure à Paris est un brave petit film, nullement désagréable, mais qui n’a pas d’autre intérêt que de montrer dans sa splendeur la grandiose outrance et l’absolue séduction de Jules Berry, qui occupe l’écran en permanence passant comme un coup de vent, bluffant tous les hommes et charmant toutes les femmes. Puis deux excellents comédiens en faire-valoir : la rondeur un peu soufflante et embarrassée de Lucien Baroux et le ravissant minois de Danièle Parola, que j’avais déjà remarquée dans Sous les yeux d’Occident du même réalisateur Marc Allégret et du même producteur André Daven (d’ailleurs le mari de la belle qui abandonna très vite, au demeurant, le cinéma).

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Dupont Lajoie

jeudi, avril 5th, 2018

C’est la chenille qui redémarre.

Oui, il y a deux films bien différents et très clivés dans Dupont Lajoie. Le premier est une sorte d’illustration narquoise, un prolongement cinématographique des dessins féroces de Cabu (les Beauf) ou de Reiser (Gros dégueulasse ou Vive les femmes). Le second est un pamphlet antiraciste à la Boisset, plutôt lourd et caricatural qui dénonce, s’il en était encore besoin, la stupidité collective des foules. C’est aussi pesant et démonstratif que le médiocre À mort l’arbitre de Jean-Pierre Mocky, consacré à la terrifiante stupidité des supporteurs de football. (suite…)

Les 4 fils de Katie Elder

dimanche, avril 1st, 2018

Fantasia chez les ploucs.

Encore une de ces productions étasuniennes de série qui ont envahi nos écrans en n’apportant que des images poussives d’histoires bien banales ! Comment se fait-il que notre Europe qui a ressenti sur sa propre terre tant de convulsions passionnantes aient pu s’intéresser à ces histoires bouseuses de garçons vachers qui règlent leurs comptes de façon sommaire sur fond de coups de fusils et de bagarres alcoolisées ? J’ai beau en avoir vu une palanquée, je n’arrive pas à concevoir comment on peut être fasciné par ce genre primitif du western, sauf lorsqu’il permet l’évasion vers l’exotisme et qu’il montre de sauvages peignées infligées aux ou reçues des Peaux-Rouges… Mais ça n’a d’agrément que comme les films consacrés à l’empire des Indes, aux maharadjahs fabuleux et aux tigres du Bengale. (suite…)

Sans toit ni loi

samedi, mars 31st, 2018

Finalement, et pour toujours…

Je sais bien que Sans toit ni loi est une des œuvres les plus bouleversantes qui se puisse sur l’errance et la solitude. La grande force d’Agnès Varda, c’est que là, bien loin des héroïnes de Cléo de 5 à 7 ou du Bonheur, il n’y a aucune sympathie possible pour Mona (et naturellement, je n’évoque pas Les glaneurs et la glaneuse où l’empathie est manifeste). (suite…)

L’enfer

vendredi, mars 30th, 2018

« Jalousie, inquiet besoin de tyrannie » (Marcel Proust)

Ma note serait certainement meilleure si le dernier quart d’heure du film n’était venu l’affadir ; on me dira avec une certaine pertinence qu’il y a une logique des événements et que le propre de la folie obsessionnelle est d’aller jusqu’au bout des conséquences. C’est possible ; n’empêche que je ne suis pas vraiment satisfait des dernières séquences où Paul, le mari jaloux (François Cluzet), dans une sorte de cauchemar éveillé, manie le rasoir sur Nelly, sa femme (Emmanuelle Béart), la zigouille sans doute (on peut interpréter la chose différemment néanmoins) et se penche à la fenêtre pour peut-être se suicider (même observation). Coupe. Noir. Sur les images heureuses de l’auberge, avant le générique terminal, un carton « Sans fin« .

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Le passager de la pluie

jeudi, mars 29th, 2018

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Pleurs de femme et pluie d’été ne durent pas longtemps

Je célèbre le début du film, ces images déprimantes de la côte varoise sous le ciel uniformément gris, sous la pluie drue et les quelques séquences qui suivent immédiatement ; il est vrai que rien n’est plus triste que ce paysage fait pour le soleil qui subit le crachin qu’on réserverait volontiers aux terres océanes et qu’il n’y a rien de plus désolant que de considérer ainsi agaves et pins parasols. C’est donc une très bonne entrée en matière : on ne sait pas trop à quel moment de l’année on se situe, sans doute au début d’un printemps pourri ; il n’y a pas l’ombre d’un touriste égaré et les bourgades faites pour les visiteurs de l’été sonnent creux sous le rythme agaçant de l’ondée.

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Signes

mercredi, mars 28th, 2018

La Terre vue du ciel.

Signes est un tout petit film de science-fiction de série B (ou C, ou D, ou tout ce que vous voulez) où deux frères un peu torturés par les méchancetés de la vie, clôturés au fin fond d’une ferme ennuyeuse de Pennsylvanie, reçoivent la visite d’extra-terrestres (qui, si j’ai bien compris, se sont également posés un peu partout dans les États-Unis). Ils commencent, en repérages, à disposer dans les champs de maïs circonvoisins des traces géométriques incongrues, prises d’abord pour des canulars de voisins facétieux (c’est à peu près comme ça que sont interprétés les agroglyphes – c’est ainsi qu’on appelle la chose – qui, depuis la fin des années 70 se sont multipliés à la grande admiration et au parallèle effarement des gogos qui veulent y voir l’action d’êtres venus des étoiles). Deux frères Hess, passablement traumatisés : le plus jeune, Merryl (Joaquin Phoenix), ancien champion de base-ball qui a beaucoup réussi et beaucoup raté de matches importants ; le plus âgé, Graham (Mel Gibson) qui fut pasteur épiscopalien et a renoncé à son apostolat après la mort dans un accident automobile de sa femme et qui demeure inconsolable et affublé de ses deux gamins, Morgan (Rory Culkin) et Bo (Abigail Breslin). (suite…)

Gasherbrum, la montagne lumineuse

dimanche, mars 25th, 2018

Conquérants de l’inutile.

Ce que filme Werner Herzog dans les trois documentaires qui ont fait l’objet d’une bonne édition DVD, ce n’est jamais le Comment ? (ça, c’est réservé aux beaux films esthétisants des chaînes spécialisées), mais toujours le Pourquoi ?. Il ne se demande pas dans La grande extase du sculpteur sur bois Steiner comment on peut, à skis, sauter aussi loin à partir d’un tremplin bizarrement incurvé mais pourquoi un type un peu taciturne et réservé décide un jour d’imiter un oiseau. Non plus, dans La Soufrière, comment un volcan caraïbe toujours en activité paresseuse va – ou non – exploser et répandre le désastre, mais pourquoi des hommes ont décidé (ou plutôt ont accepté) de demeurer sur ses pentes au péril possible de leur vie. Et pas davantage comment, dans Gasherbrum, la montagne lumineuse, comment on s’y prend pour réaliser le singulier exploit d’escalader deux sommets sauvages de l’Himalaya sans assistance et sans oxygène, mais bien pourquoi un alpiniste italien parmi les plus réputés et les plus expérimentés du monde vit dans la seule optique de réaliser des exploits inédits et de se mettre en danger de mort à chacune de ses courses. (suite…)

Justin de Marseille

samedi, mars 24th, 2018

Galéjades, œillades et fusillades.

Je n’irai pas jusqu’à dire comme Bertrand Tavernier,dans le supplément du DVD, que Justin de Marseille confine au chef-d’oeuvre, mais c’est un film drôlement intéressant et surtout très surprenant, alliant galéjades (un peu) et thriller (beaucoup) dans une sorte de juxtaposition tout à fait inédite. Je n’ai pas en tête, de fait, un film où le réalisateur passe avec autant de facilité et de fluidité d’un parcours émaillé de bons mots et de propos presque pagnolesques à une histoire de gangsters rondement menée et sacrément bien filmée, avec des plans originaux, marquants, toujours accordés à merveille au discours et à la suite de l’action. Du rythme, du souffle, de la vivacité ! On n’est guère, en 1934, qu’aux débuts du cinéma parlant, mais déjà les dialogues, la musique, la chanson même accompagnent avec beaucoup de talent et d’élégance cette histoire où s’entrecroisent guerre des gangs, évocation du Marseille d’avant-guerre et presque reportage sur le maquereautage d’une pauvre fille naïve heureusement sauvée par un Milieu qui était encore chevaleresque (à dire vrai, c’est sans doute là la faiblesse du film : comment croire à la rectitude du Milieu, qui a toujours fait son miel des gamines dont le regard s’illumine dès qu’un barbeau leur parle des étoiles ?). (suite…)